Zelle History

(Oui, toujours pas de titre pour l'instant ^^')
Voilà, voilou, voici ma première histoire, que j'aimerai faire publier un jour ^^' et surtout que ça vous plaira (ce que je doute, mais passons). On peut dire que l'histoire commence "réellement" au chapitre quatre, les trois premiers étant, à la base, pour le concourt Clara puis la suite devait être une histoire, mais j'ai rattaché la nouvelle aux autres chapitres, qui sert donc "d'introduction". Bonne lecture.
(Ah, au fait, vu que je ne me relis presque jamais, il risque d'y avoir pas mal de fautes et de répétitions, excusez-moi... fin si vous voulez.)



L’adolescente n’en pouvait plus.
Elle les regardait tous partir, un à un. Elle aimerait pouvoir leur courir après, leur dire qu’elle voulait qu’ils restent, même personne ne pouvait empêcher une lumière de s’éteindre.
Ses lueurs d’espoirs disparaissaient lentement.
Et elle ne pouvait rien y faire.
Pourquoi manquait-elle de courage, de force ?
Pourquoi n’arrivait-elle pas à leur dire de rester, malgré et contre tout, même s’ils n’y pouvaient rien ?
Pourtant la chandelle continuait toujours d’éclairer son visage tordu par les larmes…
Qu’allait-il advenir si la lumière s’évanouissait ?
Pourrait-elle continuer de vivre dans le noir complet, sans lumière pour se repérer, s’éclaircir l’esprit, sécher ses larmes à l’aide de sa douce chaleur… survivre ?



La jeune fille rêvait. De tout, de rien, de ce qui lui traversait l'esprit. C'était le noir complet. Elle pouvait néanmoins voir sa fine silhouette. Où était-elle ?
Elle ne savait pas.
Elle voulait le savoir. Une force mystérieuse, sa curiosité peut-être, la poussait à le vouloir. Et puis, peut-être que l'endroit où elle se trouvait était bien mieux que là où elle vivait, dans la réalité. Elle plissa les yeux et réalisa.
Un fil.
Un simple fil tout fin.
C'était là où reposaient ses deux pieds.
La vérité la frappa et elle eut peur de tomber.
Ses pieds, l'un devant l'autre, reposaient habilement sur le fil.
La peur s'empara d'elle et elle voulu bouger, faire n'importe quoi, pour avoir une position plus stable. Même se réveiller et quitter cet endroit qui avait l'air paisible.
Mais dans sa précipitation, elle se déséquilibra et bascula dans le vide.
Le vide. C'était ce qui se trouvait en dessous du fil. Ce qui était noir, effrayant, mortel. Elle avait la sensation que, si elle tombait, elle chuterait une éternité où elle pleurerait toutes les larmes de son corps en repensant aux moments tristes qui lui avaient fait tant mal, et aux moments joyeux qu'elle ne revivrait plus jamais.
Tomber, tomber, tomber...
Jusqu'à chuter tout en bas.
Et finir sa pâle existence en rencontrant le sol froid et cruel.
Elle devait arrêter de tomber. Pour son bien. Elle devait se ressaisir.
Toutes ces pensées s'étaient déroulées en une seconde.
Avec toute la minime force qui lui restait, elle attrapa de ses bras musclés le fil de ses mains, et s'y accrocha désespérément.

Zelle se réveilla en sursaut. Elle ne cria pas. Les sons se bloquèrent dans sa gorge. En sueur, elle essaya de reprendre une respiration normale qui laissait croire que tout allait bien puis attendit que son cerveau ait rebranché la prise pour se reconnecter à la réalité. Quelques secondes passèrent puis Zelle fit pivoter sa tête vers sa droite et découvrit le radio-réveil qui affichait l'heure de son cadran rouge. Elle avait encore droit à quelques minutes solennelles pour faire le point. Et surtout pour se ressourcer, pour se préparer à affronter la journée qui arrivait. Car elle savait comment elle serait : morne, froide, ennuyeuse, horrible, agaçante, blessante, écrasante, silencieuse, insoutenable...
Rassemblant ses pensées, la jeune fille se mit à respirer volontairement, comme si ce qu'elle allait endurer était difficile et demandait une grande maîtrise de soi. Elle allait se faire attaquer de tous les côtés, alors autant préparer sa défense... Fermant les yeux, elle essaya de refouler tous ces sentiments, toutes ces images dans sa tête qui venaient l'harceler brusquement et lui rappeler de mauvais souvenirs, toutes ces émotions qui allaient finir par la faire pleurer.
Mais elle ne voulait pas pleurer. C'était la dernière chose qu'elle voulait faire. Pleurer signifierait être faible, ne pas être capable de tenir le coup, avoir besoin des gens, avoir besoin d'aide, devoir tendre les bras, être vulnérable et donc être la risée de ce monde de barbares.
Elle ne voulait pas de tout ça. Elle voulait prouver qu'elle pouvait s'en sortir elle-même, sans l'aide de personne. Et surtout, elle voulait se le prouver à elle-même. Se prouver qu'elle pouvait s'en tirer sans devoir être un fardeau pour les autres.
Un poids.
Elle n'aimait pas être un poids.
Elle fut coupée de ses réflexions par une sonnerie à réveiller un cimetière entier de morts vivants. Appuyant avec force sur le bouton pour arrêter l'alarme bourdonnante de son réveil, la jeune fille grimaça.
La journée promettait d'être vraiment horrible.

Se levant, elle se dirigea vers sa porte qu'elle ouvrit à la volée et traversa le couloir de l'appartement où elle vivait avec sa mère. Tirant une chaise et s'asseyant dessus, elle se servit d’un geste monotone des céréales et un verre de jus d'orange. Sa mère n'était, évidemment, pas là.
Hélène Paradis était journaliste dans une correspondance de presse. Cela faisait plus de dix ans qu'elle y travaillait. Elle aimait son travail, même si elle poussait des jurons contre les papiers en retards, les horaires prolongés, les affaires qui lui prenaient du temps sur sa vie privée...
Zelle se demandait si sa mère allait au travail de plus en plus tôt chaque matin parce qu'elle avait de gros papiers en cours ou parce qu'elle préférait se réfugier dans sa paperasse, avoir des choses à faire, plutôt que de penser à tout ce qu'il s'était passé ces derniers mois.
Se levant, elle rangea son bol dans l'évier propre et parcourut le peu de chemin qui lui restait pour arriver dans sa chambre. Elle se préparait pour aller au collège. Les cours promettaient d'être très ennuyeux et d'une monotonie banale, presque endormante...

Du haut de ses quinze printemps, elle était un peu plus grande que les filles de son âge. Ses cheveux bruns et raides virevoltaient à chaque pas. Ses yeux ressemblaient au ciel à ce moment précis : ils étaient bleu clair. Sauf qu'ils ne reflétaient pas la tristesse qui se cachait dans le coeur de la jeune fille. Parcourant le chemin qui la menait au collège, Zelle se remémora ce qu'il s'était passé pendant les vacances scolaires. Cela l'avait terriblement marqué et avait laissé un grand trou dans son coeur que, sûrement, personne ne pourrait reboucher.
Ça, elle en était certaine. Ce fut en essayant de refouler ses larmes qu'elle vit le trajet passer en un éclair et qu'elle se retrouva devant les grilles de son collège. Les grilles, comme une prison.

Elle réajusta son sac à dos sur ses épaules et s'élança vers les immenses couloirs et innombrables marches d'escaliers pour atteindre son but. Arrivée devant la porte de la salle de cours où elle allait passer deux heures à rêver éveillée, la jeune fille appuya sur la poignée métallique qui céda et fit place à un troupeau d'élèves qui chahutaient, ce qui donnait un brouhaha impossible à gérer pour de fines oreilles.
Elle soupira intérieurement.
Cette année, comme toutes les autres, elle était tombée dans une classe de crétins et crétines décérébrés dont la seule motivation en cours était de dormir et ennuyer les autres, se sentir supérieur, se moquer de ceux qui travaillaient pour réussir leur étude... Elle allait encore passer une année d'enfer.
Au sens figuré comme au sens propre...
Cela faisait plusieurs jours qu'elle était rentrée. Quelle fut sa joie quand elle avait découvert qu'elle était tombée dans une classe où les esprits savants se rencontraient et où tout le monde s'aimait sans préjugés, encore une fois ! La salle était comme les murs du collège : effrayante et toute blanche. A se croire dans un hôpital psychiatrique, ce que l'adolescente détestait. En fait, elle n'aimait pas le blanc. Pour diverses raisons. Dont l'une était que les gens s'étaient battus pour dire que la vie était belle, blanche, sans encombres et faire croire que les gens souriraient toutes les deux secondes ! C'était comme dire que la vie est un long fleuve tranquille. Zelle détestait cette expression.
« Oui, bien sûr ! Un fleuve tranquille... l'auteur a juste oublié de préciser qu'il y avait cinq requins dans ledit fleuve et qu'il était semé de pierres coupantes et d'algues glissantes ! » La vie était blanche et noire, pas juste l'un ou l'autre. Mais pour elle, elle était noire. Un noir profond qui l'effrayait. Et qui l'attirait irrésistiblement. Elle aurait aimé pouvoir tout quitter et rentrer chez elle pour s'enfermer dans sa chambre. Être sur son lit, seule dans le noir, à verser des larmes. Qui auraient coulé, coulé et coulé... Elle aurait aimé pouvoir se mélanger dans le noir de la nuit et y disparaître éternellement.
La sonnerie qui retentit dans un bruit sonore la sortit de ses pensées. Elle se dirigea vers un bureau au premier rang, non occupé par les autres gorilles jacassant, pensant que c'était la place des « intellos » et qu'il valait mieux rester crétin qu'intelligent. Posant son sac à côté du bureau -blanc aussi, à croire qu'ils avaient eu des réductions sur tous les objets en blanc quand ils avaient construit le collège-, et se cala sur sa chaise en attendant que le professeur arrive. Les élèves, toujours pareils à des animaux, hurlaient plus que ne chuchotaient comme s'ils étaient les maîtres incontestés de la région.
Oui, en tant que vedettes du zoo et attractions de cirque !
A croire qu'elle était réellement dans une animalerie.... La loi du plus fort régnait.
C'était pour ça qu'elle ne devait pas montrer qu'elle était faible, au-dessous d'eux, eux, qui ne savaient certainement pas ce que voulait dire le mot « tristesse », ce qu'on éprouvait, et qu'on ressentait quand on l'utilisait. C'était pour ça qu'elle devait fermer son coeur et ne plus pleurer.

La jeune fille brune regarda attentivement sa montre en plissant ses profonds yeux bleus comme si cela pourrait faire avancer l'heure. Voyant que c'était perdu d'avance, elle essaya de s'intéresser à son cours de sciences de la vie et de la terre qui était le dernier de la journée. Son vieux professeur parlait avec une monotonie aussi efficace qu'un somnifère de l'unité et de la diversité des individus. Après cinq secondes d'efforts intenses, elle recommença sérieusement à s'ennuyer. Elle se fichait complètement de la façon dont les chromosomes se divisaient, bien qu'elle ait réellement essayé de suivre le cours. Ce qu'il pouvait être ennuyant... Elle n'aimait pas du tout les matières scientifiques.
- Ce sont donc les chromosomes présents dans le noyau de la cell...
Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase : la sonnerie retentit. Le professeur était visiblement déçu de ne pas avoir eu le temps de finir son explication. Zelle fut soulagée, elle aurait été incapable de faire semblant de suivre plus longtemps. Elle rangea ses affaires en vitesse et sortit de la salle. Elle suivit les gens qui s'impatientaient de sortir de cet endroit. Arrivée au dernier escalier, un garçon de sa classe la vit et lui lança:
- Alors Paradis, ça va ? Pas trop l'enfer ?
Ses copains, qui étaient juste derrière lui, se mirent à ricaner. Cette blague était des plus idiotes, des plus communes, mais elle la blessait et Zelle détestait que l'on se moque de son nom.
La jeune fille avait l'habitude des brimades. Et de la solitude aussi. En fait, c'était sa seule amie. Toutes les autres personnes l'avaient laissée tomber. Mais peut-être était-elle la seule responsable ? Peut-être était-elle beaucoup trop triste pour vouloir se lier d'amitié avec quelqu'un ? Peut-être que les gens voyaient que quelque chose n'allait pas et préféraient la laisser tranquille ? Ou peut-être était-ce elle qui faisait tout pour les repousser ? En tout cas, tout ce qu'elle pouvait dire, c'était qu'elle était seule.
Même entourée de milliards de personnes qui avaient beau, parfois, lui parler, être là seulement par leur présence, elle était vraiment seule.

Ayant parcourut le chemin du retour comme une âme en peine, un fantôme errant et solitaire, la brunette se retrouva devant la porte de son appartement quelques minutes plus tard. Elle fouilla dans ses poches et en sortit la clé grise qu'elle inséra dans la serrure. La porte s'ouvrit en grinçant et la jeune fille rentra dans la pièce rectangulaire.
- M'man, je suis rentrée, lança-t-elle sans enthousiasme avant de se rendre compte qu'elle était à son travail.
Elle réajusta son sac sur son épaule et se dirigea vers la porte de sa chambre qu'elle ouvrit précipitamment. Elle jeta violemment son sac sur le lit aux draps blanc et regarda la pièce toute aussi blanche. Celle-ci était plutôt rangée... elle ferait le ménage plus tard, ou pas du tout, du moins pas dans sa chambre, sa sœur n'allait pas entrer dedans, car elle savait ce que voulait dire « sanctuaire privé dont l'accès ne peut être donné que si vous frappez gentiment à la porte ».

Elle se souvenait encore de leur conversation téléphonique.
Lauren l'avait saluée d’une voix joyeuse. Puis, elle lui demandait de dire à leur mère qu'elle acceptait volontiers de venir passer quelques semaines dans l'appartement familial, vu qu'elle ne commençait sa rentrée qu'en octobre - au grand mécontentement de Zelle : l'optimiste et la joie de vivre de sa sœur l’insupportaient.
Se dirigeant vers sa chambre après avoir pris une douche et fait le ménage -elle était sûre d'une chose : si on la choisissait pour faire femme de ménage, l'entreprise qui aurait fait ce choix ferait faillite-, elle se posa sur son lit et regarda d'un air terne son plafond. Elle n'avait pas allumé la lumière, elle n'en avait pas eu le courage et l'envie. La lumière... l'espoir, la vie est belle. Soupirant, la jeune fille pensa que tout cela n'était que des bêtises.
La vie était noire, cruelle, horrible, atroce ! C'était ce qu'elle était en train de vivre...
Sa sœur allait venir. Sa sœur... sa grande sœur âgée de vingt et un ans. Lauren Paradis était le genre de fille qui plaisait : elle était jeune, belle, intelligente, gracieuse, n'avait presque aucun défaut, était aimée de ses professeurs et par, à peu près, toutes les personnes qu'elle rencontrait. Zelle enviait sa sœur qui semblait resplendir de bonheur. Elle savait ce qu'elle voulait faire, contrôlait sa vie. Alors qu’elle...
Elle aimait beaucoup Lauren, même si elle ne le montrait pas. Celle-ci, contrairement à leur mère s'intéressait toujours de savoir comment elle allait mais respectait ses moments de solitude. Lauren était beaucoup trop optimiste et aimait toutes les joies de la vie... Sa petite sœur se demandait comment elle faisait pour être aussi contente et elle ne le comprenait pas. Elle avait donc du mal à accepter sa sœur comme elle était.
Perdue dans ses pensées, elle n'entendit pas la porte de l'appartement s'ouvrir pour laisser entrer une fine silhouette. Devinant que sa mère allait finir par rentrer dans sa chambre si elle ne venait pas tout de suite à sa rencontre. La jeune fille détestait que l'on rentre dans son sanctuaire sans demander la permission avant, de plus, sa mère ne s'en priverait pas si cela lançait une autre dispute. Et si elle ne l'avait pas fait, celle-ci l'aurait, en plus, traitée de fille asociale et égoïste. L'adolescente se leva et passa le seuil de sa porte. Sa mère passa devant sa fille à vive allure, sans même la regarder, et lui lança :
- J'espère que tu as fait tes devoirs ! Ne compte pas sur moi pour être très présente ce soir, j'ai beaucoup de papiers à finaliser pour demain.
Zelle leva les yeux au ciel et lança sur un ton qui montrait son agacement :
- Bonsoir maman, tu vas bien ? J'espère que ta journée s'est bien passée.
Faisant semblant de ne pas avoir entendu sa fille, Hélène se retourna, regarda Zelle droit dans les yeux et lui posa la question fatale :
- Tes professeurs t'ont rendu des copies aujourd'hui ? Tu as eu quoi comme notes ?
C'était tout ce que sa mère voulait savoir sur elle : comment se passent tes études ? Elle venait à peine de rentrée en cours et sa mère posait déjà ses questions... Son problème scolaire, ça oui, elle s'en souciait, mais son problème mental, à elle, elle s'en fichait éperdument. Ne voyait-elle pas que sa fille était au plus mal ? Zelle soupira et déclara sur un ton résigné :
- J'ai eu un sei...
- Je te parle des matières scientifiques, je me fiche du reste, la coupa sèchement sa mère, qui, apparemment, avait deviné qu'une note assez correcte ne pouvait être obtenue par sa fille dans les matières scientifiques. A croire que toutes les autres matières n'étaient que facultatives. Zelle réfléchit un instant. Lui dire ? Lui mentir ? Après tout, elle avait l'habitude, de ses mauvaises notes et des réprimandes de sa mère... Et ce n'était pas mentir qui allait changeait quoi que ce soit dans sa vie. De toute façon, sa mère finirait par voir qu'elle avait falsifié ses dires quand elle aurait reçu le bulletin scolaire.
-Je n'ai eu qu'une note en maths, sur une interrogation que le professeur nous avait donnée peu après la rentrée... J'ai... eu... un six.
Quelques secondes passèrent sans qu'aucun bruit ne se fasse entendre. Tiens, sa mère avait-elle perdu son don pour la parole ou cherchait-elle une nouvelle formule de rabaissement moral dans son répertoire mental ?
- Sur combien ?
La question était posée sur un ton aussi sec que glacial. Un frisson parcourut la jeune fille. Elle doutait qu'il fasse plus froid dans le pôle Sud que chez elle, à ce moment-là...
- Sur vingt.
Évidemment, la moyenne ou plus aurait été trop beau, trop miraculeux, et elle n'aurait peut-être pas été aussi triste si ça avait été le cas.
Les maths : une matière inventée par des gens ne parlant pas la même langue et voulant absolument se faire comprendre entre eux par de la logique. Le langage des signes n'était pas suffisant ? Ou les extraterrestres étaient passés leur dire bonjour dans leur langue ?
Le silence, encore le silence, comme si sa mère prenait conscience du problème de sa fille cadette. Puis Hélène, toujours sur le même ton, lui lança:
- Quoi ? Et tu oses me dire ça sur un ton aussi nonchalant ? Tu n'es bonne à rien ! Tu vas rater toute ta scolarité, toute ta vie !
Ce ne fut qu'après avoir débité une série d'injures qu'elle acheva sa fille. Beaucoup plus cruellement que les dernières fois. Pourtant, Zelle avait cru que son cœur de marbre aurait pu résister...
- Et ton père ? Tu y as pensé un peu dans tout ça ? Qu'est-ce qu'il aurait pensé de toi, à ton avis ? Il aurait honte d'avoir une fille comme toi ! Tu ne fous rien ! Tu ne penses qu'à toi, qu'à te reposer sur tes lauriers et à profiter de la réussite des autres ! Tu es abjecte, égoïste, cruelle ! Tu me fais honte, et en plus de ça tu t'en fiches éperdument ! Ton visage est aussi froid que de la glace ! Tu me dégoûtes !
Zelle, n'y tenant plus, partit dans sa chambre et claqua la porte. Elle serra les dents. A part la culpabilité de vivre et des pleurs tous les soirs, sa mère ne lui avait jamais rien apporté ! Sa mère avait bien failli la tuer sur place avec tous ses mots atroces emplis de colère et destinés à frapper. A faire mal. A détruire. Et ils avaient atteint leur cible avec succès. Zelle pensait pourtant que son cœur était déjà tout en pièces... Les morceaux tranchants faisaient peut-être encore plus mal...
Son père... Pourquoi être aussi cruel ? Pourquoi raviver la flamme, déjà assez trop intense, brûlante, de sa douleur ? Elle avait mal. Trop mal. Quand pourrait-elle arrêter de souffrir ? Elle n'était qu'un être humain... L'erreur était humaine... Elle faisait donc des erreurs. Beaucoup d'erreurs. Pire, c'était elle, l'erreur.
Une anomalie parmi toutes ces choses qui n'auraient pas dû exister. Sérieusement, que faisait-elle là ? Elle aurait dû disparaître. Comme toutes les autres erreurs, pour donner l'illusion d'un monde parfait.
Pourquoi devrait-elle être ici, à attendre qu'une chose, bien ou mal, se produise ? Pourquoi devrait-elle subir encore longtemps cette vie qu'elle n'avait pas choisie ? Pourquoi devrait-elle continuer d'être persécutée par ce monde infâme qu'elle détestait ? Pourquoi les êtres, les choses qu'elle aimait le plus au monde devaient-elles partir avant elle ? Sans même se soucier de son avis ? Sans même comprendre que ça la détruisait intérieurement et qu'en plus, elle ne pouvait rien y faire ?
De petites gouttes d'eau se formèrent au coin de ses yeux. Dans un tout inégal et difforme, elles roulèrent sur ses joues, jusqu'à tomber infiniment bas et finir leur existence sur le sol. En silence, d'autres suivirent. En silence, Zelle s'allongea sur son lit et essaya tant bien que mal d'extérioriser sa peine, toute sa tristesse, son chagrin, ses malheurs et ses mauvaises pensées en pleurant.
Son père était décédé pendant les vacances. Les larmes continuaient à couler le long de son visage. Zelle se jeta lourdement sous la couette, prit son coussin dans ses bras et continua de pleurer. La tempête qui habitait son cœur se déversa pour laisser place à la tristesse. Elle se sentait mal et cela durait depuis plusieurs semaines.
Depuis plus longtemps, en fait. Comment sa mère pouvait-elle reparler de lui comme ça ?! Dire qu'elle, elle était égoïste, c'était plutôt fort ! Sa mère ne la comprenait pas, elle était sûre qu'elle ne l'avait jamais comprise et ça ne facilitait pas leurs conversations. Les seules personnes qui l'avaient comprise étaient peut-être Lauren puis son père, et comme on disait, les meilleurs partaient toujours les premiers,
Un accident.
C'était tout simplement un accident.
Il avait beaucoup plu cet après-midi là. Il rentrait du travail, ses pneus avaient glissé et sa voiture avait percuté un arbre. Il était mort sur le coup, apparemment. Elle n'avait pas voulu apprendre. Pas voulu vérifier. Elle aurait juste voulu que tout cela soit un cauchemar. Un mauvais cauchemar dont on ne s'échappait pas. Elle aurait aimé se réveiller et partir se réfugier dans les bras de son père pour pleurer.
Pleurer...
Le soir, tout le monde avait appris l'accident. Et deux jours après, le pire n'était pas encore survenu. L'enterrement... Se rendre compte que c'était la réalité. Zelle avait tout fait pour retenir ses larmes. Elle n'avait pas voulu pleurer, pensant que son père ne méritait pas de voir que sa fille était faible. Elle ne lui avait pas prouvé.
Le soir...
La mort de son père avait comme brisé un lien qui les unissait tous. Autre que le lien du sang et de la famille... Personne ne s'était parlé. Lauren était retournée à Paris, où elle suivait ses études, se faisant consoler par de vraies amies, et sa mère... Après avoir pleuré toute la nuit, elle s'était levée et avait regardé sa mère, assise sur le canapé de leur petit salon, regardant les photos pour se remémorer.
Ne pas oublier. Penser qu'il était toujours là. Penser que tout ce qui venait de se passer n'était qu'un cauchemar. Tout faire pour se réveiller... Une larme avait coulé de sa joue. Elle l'avait enlevée rageusement d'une main.
Zelle avait bien vu que sa mère était triste. Qu'elle pleurait, comme elle. Qu'elle souffrait, comme elle. Qu'elles en souffraient. Elle aurait tant aimé venir la voir, lui parler, la prendre dans ses bras, essayer de la réconforter, ou au moins pleurer avec elle... Mais elle n'avait pas eu le courage. Pas eu la force. Elle était retournée dans sa chambre et avait continué de transformer le sol de sa chambre en rivière.
Mort... décédé... Enterrement...
En pensant à tous ces mots, Zelle, allongée sur son lit, retint ses larmes grâce aux murs de sa forteresse. Elle n'avait rien accepté. Elle était comme sa mère. Elle espérait, un jour, ouvrir les yeux et découvrir que tout n'avait été qu'un horrible cauchemar.
Mais chaque jour, elle se réveillait et découvrait que tout était vrai.
Son père était mort.
La dureté des mots la frappèrent en un instant. Ils faisaient si mal... Elle préférait dire parti plutôt que mort, décédé... Elle préférait dire au revoir, plutôt qu'adieu... Elle préférait utiliser des métaphores plutôt que de dire les mots tels qu'ils étaient. La langue française était riche en vocabulaires et formes de phrases complexes, autant qu'ils servent...