La guerrière de Selenda (par Lliane et moi)

* Chapitre 1 *
Surgie du passé

Depuis déjà plusieurs jours, tout le « magicgang » était revenu au Lancovit, Lisbeth ayant miraculeusement (enfin… après moultes sollicitations successives de Tara, Cal l’apprenti Voleur Patenté, Robin le demi-Elfe, Gloria dite Moineau dite aussi La Bête, la naine Fafnir et Fabrice) accepté que sa précieuse Héritière, devenue Première Sortcelière du dragon Chemnashaovirodaintrashivu (dit simplement « Maître Chem »), s'éloigne pour un moment.. Chacun avait repris ses occupations coutumières et ses habitudes. Tara de s’attirer des ennuis sans le vouloir, Cal de chambrer le timide Robin sur ses sentiments pour Tara, Fafnir de s’emporter pour des broutilles. Moineau et Fabrice, eux, étaient redevenus aussi discrets que d’habitude.
Depuis un moment, Robin était parti voir son père qui devait lui parler et ses amis commençaient à trouver que cela durait bien longtemps pour une simple conversation père-fils. Lorsqu’il revint enfin, il semblait agité et même nerveux, ce qui alarma les autres. Inquiète, Tara se fit porte-parole du groupe et interrogea :
- Que se passe-t-il ? Que t’a dit ton père ?
Embarrassé, le demi-Elfe ne savait pas comment expliquer la situation à ses amis.
- Robin, tu vas nous faire mourir d’angoisse, reprit Moineau comme il se taisait.
- Elle va arriver… finit par lâcher l’adolescent qui semblait considérer ça au mieux comme une corvée, au pire comme une catastrophe.
- Qui ça « elle » ? Tu n’es pas clair Robin, comment veux-tu que nous comprenions de quoi tu parle ? reprit Fabrice.
- Yliana Mar’iposa, dit-il encore comme si cela expliquait tout.
Ses amis se regardèrent en haussant les épaules d’un air d’incompréhension.
- Et c’est qui ? questionna Cal, toujours aussi diplomate.
- La seule métisse qui soit non seulement acceptée mais respectée à la fois par les Elfes et les humains.
- Et qu’est ce qui lui vaut cet honneur auquel même toi tu n’as pas droit ?
- C’est la meilleure guerrière que je connaisse.
La phrase fit protester Fafnir. A son sens, il n’y avait pas meilleur guerrier que le peuple Nain.
- En dehors de toi Fafnir, se hâta de rectifier Robin pour éviter une colère de leur irascible amie.
- Tu vaux largement ta fameuse Yliana-je-sais-pas-quoi, j’en suis sûre, déclara alors Tara, péremptoire.
La phrase fit rougir le jeune M’angil, qui ne sut pas comment réagir autrement qu’en corrigeant le nom imprononcé par celle qu’il aimait.
- Mar’iposa. Yliana Mar’iposa.
- Quand doit-elle arriver ? interrogea Moineau, toujours pratique.
- Aujourd’hui, répondit le demi-Elfe. Et pour ce qu’on en sait, elle est peut-être même déjà là.
- Si tel était le cas, est-ce que tu n’aurais pas été prévenu d’une façon ou d’une autre ? fit justement remarquer Tara.
- Dans l’absolu et s’il s’agissait d’une elfe ordinaire, je répondrais par l’affirmative mais…
- Mais ? l’encouragea encore Moineau.
- Mais elle a des pouvoirs spéciaux qui lui permettent de passer inaperçue à peu près partout, acheva Robin.
Comprenant un peu mieux, ses amis hochèrent la tête.
- Et pourquoi as-tu l’air de penser que son arrivée est une catastrophe ? questionna encore Cal.
- Ce n’est pas vraiment le mot qui convient mais… disons que… je ne me sens jamais très à l’aise en sa présence, c’est tout.
- Il y a une raison spéciale à ça ? interrogea à son tour Fabrice, qui ne quittait pas Moineau d’une semelle.
Ne sachant quoi répondre, Robin secoua la tête, l’air si perdu et embarrassé… que tous soupçonnèrent quelque chose dont il refusait de parler à son sujet. Il n’était en effet pas du genre du jeune sortcelier de leur faire des cachotteries, il s'agissait donc de la seule explication plausible.
- Bon, et si on allait déjeuner ? proposa alors Cal pour changer de sujet. Je meurs de faim moi avec tout ça !
- De toute façon, tu as toujours faim, répliqua alors Tara, faisant rire toute la bande.
Tout en se dirigeant vers la salle à manger, tous devisèrent gaiement. Seul Robin restait nerveux et préoccupé. Pour essayer de lui rendre le sourire, le Château Vivant lui présenta de riants paysages de sa patrie, Selenda. Mais le jeune homme était si soucieux qu’il ne leur accorda qu’il attention distraite, ce qui vexa la bâtisse, qui changea alors l’ornementation en paysage tourmenté.
- Château, peux-tu remettre une décoration plus normale s’il te plait ? demanda alors Cal avec qui ce dernier s’entendait bien.
A contrecœur, le bâtiment obéit et tous pénétrèrent dans la salle à manger sous un beau soleil qui illumina les couloirs. A peine Robin avait-il fait quelques pas, qu’il se figea, le teint pâle et les yeux fixés devant lui. Surpris, ses camarades regardèrent dans la même direction…sans comprendre ce qui avait bien pu provoquer cette réaction.
- Robin ? Ca va ?
- Elle… Elle… bafouilla le demi-Elfe.
A cet instant, du fin fond de la salle, quelqu’un se dirigea vers eux. L’unique personne (en dehors de Tara elle-même bien évidemment) capable de déclencher chez lui ce type de comportement.
D’une taille relativement modeste mais fine, gracieuse et élancée, elle possédait des cheveux noirs très courts pourvus de quelques mèches blanches. Et si ses derniers, ainsi que des yeux bleu-gris, n’avaient pas trahi son métissage clairement humain malgré ses oreilles pointues, la forme plutôt circulaire de son visage aurait indiqué sans grand mal qu’elle avait plutôt prit les traits physiques de son parent humain. Ce qui conférait à Yliana Mar’iposa une beauté très spéciale.
En souriant, la jeune demi-Elfe s’approcha et s’inclina gracieusement, puis posa le regard sur Robin :
- Tiens tiens tiens… Robin M’angil… si je m’attendais à te trouver ici…
- B… Bonjour Yliana, bredouilla encore ce dernier.
- Tu me présente tes amis ?

J'ai repéré un petit oubli : il figea au lieu de il se figea. La première phrase est un peu lourde :

Citation :

Cal l’apprenti Voleur Patenté, Robin le demi-Elfe, Gloria dite Moineau dite aussi La Bête, la naine Fafnir et Fabrice) accepté que sa précieuse Héritière, devenue Première Sortcelière du dragon Chemnashaovirodaintrashivu (dit simplement « Maître Chem »), s'éloigne pour un moment..

je trouve.

Mais à part ça, j'aime beaucoup ! Cette Yliana Mari'posa m'intrigue.
La suiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiite !!!!

Oui je n'ai pas réussi à alléger cette phrase en fait

Voilà la suite :

* Chapitre 2 *
Souvenirs d’enfance

Un soupir discret se fit entendre et le jeune homme obtempéra :
- Yliana, je te présente Tara, Cal, Moineau, Fabrice et Fafnir. Les amis, je vous présente Yliana Mar’iposa… mon ancien maitre d’armes et professeur de tir à l’arc.
La mine stupéfaite, le groupe d’humains et la naine fixèrent tour à tour leur ami et son interlocutrice qui semblait à peine plus âgée que lui-même. Au bout de quelques instants, Moineau réagit et interrogea :
- Mais… c’est impossible… Comment pourrait-elle l’être alors que... Comment est-ce que…
- Si mes calculs sont bons, votre ami Robin a maintenant 17 ans, dit alors la jeune femme, qui avait saisi sur quoi portait l’incrédulité de la jeune fille brune. Je suis plus âgée de treize ans environ. Mais ce n’est pas important.
- Mais Yliana, finit par dire son compatriote qui, debout à côté d'elle, était plus grand d'une dizaine de centimètres, que fais-tu ici ? Enfin, je veux dire... mon père m'a parlé d'une mission, mais il ne s'est pas montré plus précis.
Sérieuse, Mar'iposa fixa tour à tour chacun des membres du groupe d'un regard sagace, comme pour les jauger, ce qui les mit mal à l'aise. Ils comprenaient à présent la gêne ressentie par leur ami en sa présence. Il leur semblait qu'elle pouvait lire en eux.
- J'ai été engagée pour vous apprendre à vous battre, les informa-t-elle.
Une exclamation indignée brisa alors le relatif silence généré par la déclaration de la guerrière.
- Ridicule ! dit Cal, offusqué. Je n'en ai aucun besoin ! Un peu de jugeote suffit, pas besoin de muscles ! ajouta-t-il, s'attirant un regard courroucé de Fafnir.
Sur les lèvres parfaitement ourlées de la jeune demi-Elfe, un sourire sardonique fleurit et le jeune homme eût l'impression qu'elle se moquait de lui. Ce qui lui fût extrêmement désagréable.
- Je vous le prouve quand vous voulez d'ailleurs, fit-il encore, bravache.
- Et bien faites donc, jeune Voleur, dit alors Yliana le plus sérieusement du monde, montrant par cette appellation qu'elle connaissait parfaitement son identité.
Tous s'entreregardèrent, stupéfaits et, lorsqu'elle s'en rendit compte, Mar'iposa arbora un nouveau sourire, amusé cette fois.
- Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais arriver ici sans avoir pris de renseignements sur mes futurs élèves ?
Bouche bée, les adolescents fixaient leur interlocutrice sans savoir que dire, lorsqu'une voix familière se fit entendre, méprisante :
- Et c'est vous, une Nonsos, qui allez-vous charger de ça ? C'est une plaisanterie ?
- Angelica ! se rebella Robin, qui respectait beaucoup son ancien professeur. Ne...
Une paume autoritaire tendue dans sa direction lui coupa brusquement la parole. Yliana voulait régler ça toute seule. OK. Message reçu. Elle n'avait pas changé en quatre ans...
La jeune femme s'apprêtait à répliquer, mais Cal, toujours offensé, choisit cet instant pour s'élancer sur elle de toute sa vitesse, poing en avant.
Malgré les affirmations de Robin concernant son statut de meilleure guerrière, les jeunes gens ne pouvaient s'empêcher de se montrer un peu sceptiques, aussi craignirent-ils un accident lorsque leur ami Voleur Patenté se précipita sur la frêle jeune femme. Ils savaient que leur ami pouvait se montrer virulent. Le demi-Elfe, seul, ne semblait guère inquiet du sort du maitre d'armes.
En un réflexe aussi fulgurant qu'inhumain, Yliana se décala sur le côté, saisit le poignet de Cal emporté par son élan et le lui tordit dans le dos, tout en lui appuyant fortement sur les reins de son poing libre.
Le jeune homme se trouvait immobilisé. C'était fini et la scène n'avait duré que quelques secondes.
Médusés, tous échangèrent un nouveau regard, tandis qu'elle libérait un Cal grimaçant... et franchement désappointé. Lui qui était si fier de la rapidité de ses réflexes...
- Vous êtes trop concentré sur le coup que vous donnez et pas assez sur votre cible et ses mouvements mon jeune ami, lui asséna-t-elle comme une première leçon, avant de se tourner vers Angelica : C'est exact, Damoiselle Brandeau, je n'ai en ma possession aucun pouvoir magique (et la manière dont elle le disait laissait entendre qu'elle en était fière). C'est justement pour cette raison que l'on m'a engagée.
- Comment ça ? interrogea Tara, revenue de sa surprise.
- Pour que vous sachiez vous défendre même si vous vous trouvez privés de magie, Damoiselle Duncan, expliqua encore la guerrière.
La démonstration dont ils venaient d'être témoins, avait convaincu les humains et généré chez Fafnir un sentiment proche de l'admiration. Enfin quelqu'un à sa mesure ! La naine commençait à désespérer de rencontrer un jour une telle personne.
- Hum, bien... fit alors Mar'iposa, je pense que cela suffit pour le moment. Messieurs, damoiselles, je vous salue.
Et sur ces mots, elle s'éloigna vers la table qu'elle avait quittée un peu plus tôt.
Lorsque la demi-Elfe fut loin, le groupe se dirigea vers sa table habituelle en chuchotant avec animation.
- Elle se battait déjà comme ça quand tu étais son élève ? demanda Fabrice, que la méthode de la jeune femme avait impressionné.
- Oui, confirma Robin en s'asseyant, imité de ses camarades. Et si elle a poursuivi l'épuisant entraînement auquel elle s'astreignait déjà à l'époque, il ne m'étonnerait pas qu'elle soit devenue encore plus puissante et redoutable.
- Comment l'as-tu connue ? interrogea Moineau.
Le jeune homme grimaça, l'air embarrassé et répondit finalement :
- Elle... m'a sauvé des griffes d'un puma.
Une exclamation étouffée accueillit cette révélation et, à l'idée qu'elle aurait pu ne jamais le connaitre, Tara pâlit.
- Quel âge avais-tu ? questionna celle-ci.
- Dix ans. A ce moment-là, j'ignorais qui elle était.
- Comment l'as-tu appris alors ? dermanda Fafnir, curieuse.
- Le soir venu, en rentrant chez moi, je l'ai retrouvée, assise dans le salon, en pleine discussion avec mes parents qui l'avaient invitée à dîner.
- Et ? fit alors Tara, suspendue à ses lèvres, tout comme le reste du groupe.
Le demi-Elfe sembla alors revivre la scène :
- Ah tiens, justement le voici, avait annoncé Tandilus M'angil en voyant surgir son fils.
- Oh mais je connais ce jeune homme, avait alors rétorqué Yliana dans un sourire en coin.
- Ah oui ? avait fait sa mère.
- Il aime les pumas... avait précisé Mar'iposa, énigmatique.
Ses parents n'avaient pas semblé offusqués de ne pas comprendre l'allusion et le responsable des services secrets du Lancovit avait procédé aux présentations.
- Yliana, permettez-moi de vous présenter notre fils.
Puis il s'était tourné vers le jeune garçon pour ajouter :
- Robin, voici Yliana Mar'iposa. A partir d'aujourd'hui et jusqu'à ce qu'elle le décide, elle sera ton professeur pour tout ce qui concerne les différents arts du combat.
- Je me souviens de ma réaction d'alors comme si c'était hier, relata-t-il encore. Je l'ai stupidement fixée, la bouche à moitié ouverte, puis j'ai balbutié quelque chose d'inaudible. Ma tête de l'instant l'avait bien fait rire si mes souvenirs sont bons.
- Et alors ton entrainement a commencé ? interrogea Cal qui, pris par le récit, en oubliait complètement la frustration dûe à sa défaite et sa faim.
- Oui. Et je peux vous dire que ça n'a pas été facile, loin de là. Car malgré ses airs doux, Yliana est un professeur exigeant et intransigeant.
- C'est à dire ?
- Et bien, pour commencer, elle a jugé que je n'étais pas assez musclé, alors, pour fortifier ceux de mes jambes et développer mon souffle, elle me força à courir plusieurs kilomètres chaque matin avant le petit-déjeuner.
Une grimace de Fabrice salua cette explication. Il n'avait jamais été doué en sport, même sur Terre et pour faire de la magie, avoir des muscles n'était pas une nécessité, alors son arrivée sur AutreMonde n'avait pas dû arranger les choses.
- Yliana trouvait aussi, poursuivit Robin, que je n'avais pas assez de muscles dans les bras non plus. Alors, quand elle jugea que mes jambes et mon souffle étaient suffisant pour continuer l'entraînement, elle me fit soulever des poids. Et si je me plaignais, elle me rétorquait que je ne parviendrais jamais à bander un arc convenablement si je n'effectuais pas ces exercices quotidiennement. Elle savait parfaitement qu'il s'agissait de ce que je voulais le plus, alors, forcément, l'argument a porté ses fruits.
La description du traitement infligé au demi-Elfe par sa congénère engendre un hochement de tête approbateur de la part de Fafnir. Enfin quelqu'un qui comprenait l'importance de l'entraînement physique ! La saleté de magie, c'était bien beau, mais négliger d'endurcir son corps s'avérait une ineptie à ses yeux. La naine aimait beaucoup ses amis, mais elle les trouvait un peu mollassons. Avec ce récit venu de son enfance, Robin montait un peu plus dans son estime.
- Au bout de quelques mois d’efforts intensifs, reprit Robin, j’avais accompli suffisamment de progrès pour qu’elle consente enfin à m’apprendre à tirer à l’arc. Inutile de dire que je trépignais presque d’impatience en voyant mon souhait le plus cher à portée de main. Mais mes débuts furent, je dois l’avouer, fort peu glorieux. Deux flèches sur dix à peine atteignant leur cible, ce qui, pour un Elfe, est un peu une honte. J’étais même heureux que mon père ne voit pas ça. Car il lui arrivait parfois, lorsqu’il n’était pas trop pris par ses tâches, de venir assister à un entraînement. Dans ces cas-là, le résultat était encore plus catastrophique que d’habitude car je voulais tellement son approbation, que je me déconcentrais sans cesse pour lui jeter des coups d’œil anxieux. Alors Yliana perdait patience et je n’avais plus le droit de toucher un arc pendant une semaine.
- Effectivement, à ce que tu en dis, elle n’a pas l’air commode ton Yliana, commenta Cal. Je ne crois pas que ce sera une partie de plaisir…
Robin secoua la tête.
- Tu es même en dessous de la vérité. Si vous êtes comme moi au début, vous la maudirez très vite, croyez-moi. (comme Moineau secouait la tête d’un air incrédule, il appuya) Si si, même toi Moineau, je t’assure. Tu le constateras bien assez vite.
Le récit achevé, chacun se préoccupa de son repas, piochant dans les plats avec plus ou moins d'appétit. Et Robin se fit la réflexion que le destin avait une bien curieuse façon de réunir les gens. Jamais il n'aurait pensé revoir la jeune femme. Comment allait-il réagir durant tous ces jours à passer en sa compagnie ? Puis le regard du jeune homme se posa sur sa chère Tara à qui il n'avait pas encore osé se déclarer et la dévora des yeux un instant. Arriverait-elle à museler la puissance de sa magie durant ces entraînements épuisants où sa patience se trouverait opposée à la volonté de fer d'Yliana ? Rien n'était moins sûr. Et s'il savait son ancien maître d'armes apte à se défendre contre n'importe quel ennemi armé, il savait aussi parfaitement qu'en sa qualité de Nonsos (du moins semblait-elle le voir ainsi), la demi-Elfe se trouverait impuissante contre la magie (et à plus forte raison contre un déferlement de magie tel que Tara seule se tenait capable de produire) et se trouverait par conséquent à sa merci. Si tel s'avérait le cas, en tant que son ancien élève, la tâche de la protéger lui reviendrait... même s'il savait par avance qu'elle lui en voudrait. En effet, la jeune femme se targuait de n'avoir besoin de personne en la matière.
Le jeune sortcelier fut tiré de ses pensées par la voix "douce" et... hum... "mélodieuse" de Fafnir, qui souhaitait en apprendre davantage sur Yliana Mar'iposa et ses méthodes.
- Et ensuite ? Que s'est-il passé ? fit la naine, plus avide de renseignements que jamais, car l'idée d'une guerrière Nonsos très puissante la ravissait.
Robin prit le temps de se servir à boire, de mordre dans un petit pain et de déglutir tranquillement, avant de répondre, se replongeant dans ses souvenirs :
- La précision viendra en son temps, lui avait un jour annoncé Mar'iposa après un tir ayant manqué sa cible de peu. Cette fois, nous allons aborder quelque chose de totalement différent.
- Quoi donc ? avait-il demandé.
Elle avait alors exhibé un étui doré qu'elle avait ouvert devant lui. Les yeux écarquillés, il y avait aperçu deux longues dagues à lame effilée.
- Ces armes seront tiennes lorsque tes progrès seront satisfaisants, avait déclaré la guerrière avant de refermer le coffret. Dans l'intervalle, tu utiliseras ceci.
Et elle avait dégainé de sa ceinture, leurs répliques en bois.
Le jeune garçon d'alors avait protesté qu'il s'agissait de jouets tout juste bons pour un enfant, mais Yliana l'avait fixé d'un tel air qu'il avait ravalé ses réclamations.
- A mes yeux, c'est ce que tu resteras tant que tu n'auras pas acquis la discipline et la patience qui conviennent à un guerrier Elfe, avait-elle asséné durement. De plus, tu n'as pas, que je sache, appris à tirer à l'arc tout de suite...
Robin avait secoué la tête d'un air dépité et la jeune femme avait ajouté :
- Avant de pouvoir courir, il faut savoir marcher, mon jeune apprenti.
Puis elle lui avait tendu l'une des dagues en bois en précisant :
- Ne commet pas l'erreur de les sous-estimer. Ces armes ne sont certes pas métalliques... mais elles peuvent blesser aussi bien. Donc, tiens-toi sur tes gardes.
Et sur ces recommandations, le cours avait débuté. Il se souvenait avoir pris ce jour-là tant de coups, qu'il en grimaçait encore.
- Décidément, j'apprécie de plus en plus cette Yliana, s'exclama Fafnir un peu trop fort lorsque le demi-Elfe se tut.
- Chut Fafnir, fit alors Tara pour couper court aux effusions de la naine.

Je n'ai pas tout à fait fini (promis je le ferai) mais je trouve toujours aussi bien, prenant, palpitant, bien écrit. Quel talent !

Viens de finir le chapitre II : la suiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiite !!!

Chic, une occasion de prendre la fic' dès le départ!
La vue du cosplay (et la gifle xD) m'a donné envie de la lire mais j'avoue que les trente pages et quelques pages du forum de TD m'ont un peu découragée. Mais bon, je vais m'y mettre!
J'aime déjà beaucoup les deux premiers chapitres!

je suis contente que le cosplay vous ait plu et qu'il ait donné envie de lire la fic ! <happy> La suite demain, promis !

* Chapitre 3 *
Première leçon

Mais il était trop tard car la voix désormais familière se fit entendre juste derrière eux. Elle les fixa, un sourire cynique aux lèvres :
- Que me vaut cette déclaration soudaine, Damoiselle Forgeafeux ?
- Heu... je... bafouilla la naine qui, pour une fois, en perdait la parole.
Soupirant, Robin décida de tirer son amie d'embarras et expliqua :
- Je leur racontais mes premiers entraînements.
Eclatant d'un rire clair, Yliana donna à son ancien élève une telle bourrade, que celui-ci manqua tomber de son siège.
- Tu essaye de leur faire peur ? Ce n'est pas bien ça. Tant pis pour toi. Tu connais mes méthodes, tu me servira d'assistant, fit-elle avec bonne humeur.
Avec difficulté, le jeune homme retint une expiration exaspérée.
- Comme tu veux, capitula-t-il immédiatement, sachant bien que protester était inutile.
- Quand à vous autres, je vous attend dans la cours dans une heure. Et je ne veux pas de robes de sortceliers. Débrouillez-vous comme vous voulez, dit encore Mar'iposa avant de s'éloigner et de quitter la pièce, laissant les adolescents stupéfaits.
Un entraînement ? Déjà ? Alors qu'elle venait d'arriver ? Ca commençait bien...
- On ferait bien d'aller se préparer, leur dit Robin. Yliana déteste attendre.
Suivant les recommandations de leur ami, tous gagnèrent leur chambre et les deux jeunes filles se dirigèrent vers la leur. Tara et Moineau troquèrent leur robe de sortcelier contre un t-shirt pour l'une et une fine tunique pour l'autre, puis s'attachèrent les cheveux. D'ailleurs, la jeune fille brune batailla un moment avec ses boucles, avant de parvenir à en emprisonner la majeure partie dans un chignon.
Elles rejoignirent ensuite les garçons, puis tous prirent la direction de la cours en se demandant ce qu'Yliana allait bien pouvoir leur faire faire. Lorsqu'ils y parvinrent, celle-ci s'y trouvait déjà, les bras croisés sur la poitrine.
- Bien, fit la guerrière en les voyant arriver. Je vais faire des "équipes". Caliban et la princesse Gloria...
Tous deux grimacèrent en entendant leur prénom, habitués l'un à son diminutif, l'autre à son surnom.
- Fabrice avec la princesse Tara, poursuivit-elle en ignorant le regard désespéré de son ancien élève. Quand à toi Robin, met-toi avec Fafnir s'il te plait.
Chacun rejoignit sa place sans discuter, puis Moineau et Tara dire d'une seule voix :
- Le "princesse" n'est pas utile.
- Et je préfère "Moineau" que "Gloria" si cela ne vous ennuie pas, ajouta la jeune fille brune.
- Quand à moi, on m'appelle Cal, précisa ce dernier.
Mar'iposa les dévisagea tour à tour, puis acquiesça silencieusement et passa encore quelques secondes à les fixer, satisfaite de son choix. Les rapports de force étaient relativement équilibrés étant donné la composition hétéroclite du groupe.
- Vous allez commencer par me montrer ce que vous savez déjà faire. Que je me rende compte de l'étendue du travail à accomplir. On va commencer par vous princesse Tar... Damoiselle Duncan.
Appréciant l'effort, la jeune fille se plia bien volontiers à la directive et le duo se plaça au centre de la cours.
- Hum. Auparavant, si l'un de vous pouvait matérialiser des matelas bien épais au sol... J'apprécierais assez que nous évitions les accidents.
Aussitôt dit, aussitôt fait, Fabrice déclara qu'il s'en chargeait et incanta :
- Par l'Apparus, que des matelas apparaissent, afin que nul ne se blesse.
A peine avait-il fini de parler, que lesdits matelas devenaient réels, faisant du sol pavé l'équivalent d'une boutique spécialisée.
Un hochement de tête approbateur d'Yliana salua la matérialisation, puis, d'un geste, la guerrière désigna le parterre ainsi obtenu :
- A vous.
Tara ôta ses chaussures, imitée par son partenaire de duel et prit place.
La surface n'est pas stable, se dit le jeune fille en posant les pieds sur le sol matelassé. Mais on moins, si on tombe, on ne se fera pas mal. Elle sait ce qu'elle fait...
- Vas-y Fabrice, attaque-moi, fit-elle, consciente que le moindre de leurs gestes serait automatiquement analysé par le regard acéré de mar'iposa.
- Tu es sûre que... hasarda le jeune homme blond.
- Oui.
- Comme tu veux, fit-il encore en se précipitant vers elle.
C'est alors que l'adolescente se décla sur le côté, attrapa le poignet de son ami et, posant la main sur l'avant de son épaule, le fit brusquement basculer par dessus elle. En moins de temps qu'il ne fallait pour dire "magie", le garçon se retrouva étendu sur le dos, le bras maintenu par son agile adversaire qui ne l'avait pas lâché.
La mine ahurie de ses camarades révalait assez leur stupéfaction pour qu'ils n'aient pas besoin de parler. Quand à Yliana, si elle était surprise, elle n'en montra rien. Impassible, elle se contenta de dévisager la jeune héritière d'Omois.
- Se servir de la force de l'adversaire pour le mettre à terre... bonne idée, commenta sobrement la guerrière tandis que Fabrice se relevait en grimaçant.
- Ouille Tara. Tu ne m'avais pas dit que tu savais faire du judo, fit le Terrien.
- Ben je n'en ai jamais fait. J'ai juste vu ça à la télé, rétorqua la jeune fille.
- Du judo ? Qu'est ce que c'est ? interrogea alors Cal, séduit par la technique.
- C'est un art martial terrien, expliqua Moineau qui s'intéressait à tout. Il y a même des compétitions internationales.
La démonstration se poursuivit sans incident notable et la demi-Elfe conclut :
- Bien, je pense que c'est suffisant pour le moment. Vos techniques sont toutes différentes, mais assez efficaces. Nous irons plus loin demain. Vous êtes libres.
Le cours terminé, Fabrice fit disparaître le tapis de matelas et reçut pour consigne de les matérialiser chaque jour.
- Bien Ma D… Damois…
Le garçon s'interrompit, puis demanda :
- Au fait, comment doit-on s'adresser à vous ?
- Par mon prénom tout simplement, répondit celle-ci avant de tourner les talons, laissant les adolescents seuls.
- Robin, toi qui la connais bien, que crois-tu qu'elle nous réserve ? interrogea Cal.
Le demi-Elfe grimaça.
- J'avoue que je n'en sais rien, mais tout est possible avec elle.

Tant que j'y suis, voilà le chapitre 4 aussi, vu que le 3 était court.

* Chapitre 4 *
Déclaration

Un soupir collectif accueilli cette phrase chacun s'éloigna pour vaquer à ses obligations de Premier.
Voyant s'éloigner sa camarade, Robin jugea le moment opportun pour se déclarer lui emboîte le pas. Soudain écarlate, il murmura :
- Tara, il faut que je te parle... Seul à seule.
Surprise, l'adolescente acquiesça et tous deux se dirigèrent vers sa chambre. Parvenue devant sa porte, elle déclara :
- Robin est mon invité. Qu’il passe sans dommages.
Le Château sembla acquiescer, puis la porte s’ouvrit et la jeune fille fit signe à son ami d’entrer. Elle prit ensuite place sur le lit et le fixa.
- Je t’écoute.
Sentir ainsi posé sur lui le regard de celle qu’il adorait mit le pauvre demi-Elfe au comble du malaise et il dût faire un titanesque effort pour réussir, non seulement à s’agenouiller et à parler, mais à lui déclamer spontanément :
- Merveilleuse Tara,
Lorsque je te vois,
Mon cœur bat,
Et je suis en émoi,
Car tu es toi.
Me plonger dans tes yeux saphir,
Est un vrai plaisir,
Ta voix est de velours,
Tes cheveux sont soyeux,
Et je suis très heureux…
Car je suis amoureux.
Il avait récité tout d’une traite et était même parvenu à ne pas prononcer les mots « je t’aime », ce qui ne s’avérait un réel exploit. Lorsque son ami s’était agenouillé, la jeune fille avait écarquillé les yeux de stupeur, puis, au fur et à mesure du splendide poème, elle s’était tout d’abord décomposée, puis avait terminé aussi rouge que celui qui venait de le déclamer. Gênée, les yeux baissés, elle ne sut tout d’abord pas comment réagir et encore moins quoi dire. Quand on recevait ce genre de nouvelle, n’était-on pas sensée répondre ? Et si oui, comment ? Car de ses sentiments elle ne doutait pas, mais quant à les formuler… là, c’était une autre histoire.
Toujours à genoux, l’adolescent la fixait, attendant manifestement une réaction ou une réponse quelconque, mais au regard plein d’espoir qu’il posait sur elle, il s’avérait évident qu’il souhaitait une réponse positive.
- Heu… écoutes Robin, je… bafouilla-t-elle tout en cherchant désespérément comment répondre à une aussi belle déclaration.
- Oui ? fit le jeune homme, suspendu à ses lèvres qu’il mourrait d’envie de couvrir des siennes en un doux baiser.
Abandonnant l’idée de trouver une réponse à la fois adéquate et originale, l’héritière d’Omois inspira fortement pour calmer les battements désordonnés de son cœur et retrouver une respiration normale, puis lâcha :
- Moi aussi.
Deux mots, petits par la taille mais grands par leur sens. Deux mots qui auraient pu ne rien vouloir dire de spécifique dans un autre contexte. Deux mots que le demi-Elfe voulait tellement entendre qu’il n’osait même plus les imaginer de crainte d’être déçu. Et sa Tara adorée venait de les prononcer. Pour lui. Juste pour lui. Comme pour s’assurer qu’il n’avait pas rêvé, le jeune homme souffla :
- Tu… es sûre de toi ?
- Oui…
Tara assise sur son lit, Robin toujours agenouillé. Deux personnalités, deux êtres distincts que tout semblait opposer. Deux magies liées par le pouvoir des sentiments.
D'un même mouvement, les deux jeunes gens se penchèrent en rougissant et, au bout d'un temps qui leur sembla infini, leurs lèvres se rencontrèrent.
Le demi-Elfe embrassait tara et il lui semblait toucher au paradis. Il avait tant rêvé de cet instant, qu'il peinait à réaliser que cela se produisait enfin. Quand à la jeune fille, elle se sentait tout à coup légère et insouciante. L'expression "l'amour donne des ailes" prenait tout son sens dans ce baiser. Ils étaient seuls au monde.
Le contact et le charme généré par l'instant furent brusquement rompus par quelqu'un qui frappait à la porte. A regret, tous deux se séparèrent, mais passèrent encore quelques instants à se dévisager avec ravissement. L'importun qui ne s'était pas encore identifié avait empêché l'adolescent de formuler officiellement sa demande, mais la réaction de Tara parlait pour elle. Manifestement, la réponse à sa question était oui. Visiblement, elle acceptait de devenir sa petite-amie.
- Tara, c'est Moineau ! s'exclama la jeune fille derrière la porte.
Dans un soupir désolé qui exprimait assez bien son ennui de faire cesser leur tête à tête, Tara se leva et alla ouvrir. Lorsque Moineau apparut, elle semblait agitée.
- Qu'est ce qui se passe ? fit la jeune héritière d'Omois en retenant le "encore" qui menaçait de franchir ses lèvres.
Ils ne seraient donc jamais tranquilles ? Chaque jour semblait amener son lot de catastrophes...
- C'est Fabrice. Il recommence...
Elle n'eût pas besoin d'en dire plus. Le Terrien et sa quête de puissance... Elle avait l'impression de côtoyer quotidiennement l'incarnation d'Anakin Skywalker et quand on savait ce que ce dernier était devenu...
Elle grimaça à cette idée et Robin se leva à son tour... et apparut aux yeux de Moineau qui, stupéfaite, écarquilla les yeux et bafouilla :
- Heu... je suis désolée... Je ne voulais pas vous déranger... Je ne savais pas...
Tara lui fait signe que tout allait bien, puis questionna :
- Qu'est ce qu'il a inventé cette fois ?
- Heu... Je préfère vous laisser constater par vous-mêmes, éluda la brune princesse, ce qui inquiéta ses amis, surtout Tara qui le connaissait depuis toujours.
Sa quête du pouvoir allait-elle transformer Fabrice ? Allait-elle le faire basculer du Côté Obscur, le changeant, comme elle l'avait fait de Skywalker, en un Dark Vador d'AutreMonde ? Bon, ok, elle avait trop regardé Star Wars, mais l'obsession du jeune homme la faisait vraiment penser à la vie de ce personnage emblématique du cinéma. Dark Vador, Magister... c'était tout un à ses yeux.

Super!!
J'aime beaucoup. La déclaration de Robin et le passage qui suit sont vraiment très beaux.
Une ou deux petites fautes d'orthographe mais elles ne gênent pas la lecture.

O_o Je ne me rappellais meme pas l'avoir mise sur ff.net XD Ma mémoire de poisson rouge a encore frappé on dirait lol
Bon ben voilà le chapitre 5 qui devrait bien vous amuser.

* Chapitre 5 *
Tara la Jedi

- Tu ne veux pas nous dire ce qu’il manigance ? fit encore Tara, revenant à la charge.
- Ca… ne peut pas se décrire. Il vaut mieux que vous voyez vous-mêmes, répéta Moineau, énigmatique, tandis que le trio suivait un labyrinthe de couloirs.
Ils parvinrent bientôt devant une porte, que l’adolescente poussa. Aussitôt, une épouvantable odeur assaillit leurs narines et tous trois se bouchèrent le nez en fixant le jeune Terrien.
Ce dernier, torse nu et le nez bouché par une pseudo pince à linge, marmonnait des paroles apparemment sans queue ni tête, les pieds dans une bassine. En s’approchant, Tara aperçut dans celle-ci une substance visqueuse si peu ragoûtante, que la jeune fille en soupçonna la provenance.
- Fabrize, est ze gue z’est ze gue je grois ? articula-t-elle.
Interrompant son rituel, le garçon les fixa en clignant des yeux, comme s’il avait du mal à croire qu’ils étaient là.
- On dirait gu’un droubeau de traducs balades z’est zoulagé dans la pièce, remarqua Robin dont le nez elfique était plus sensible que celui des humains.
- Bah… Barude est un babbouth alors… rétorqua Fabrice, qui eût la bonne grâce de paraître embarrassé.
- Du d’en a jabais assez de des bêdises ? gronda encore Tara. Du n’as augun bedoin de debenir blus buissant !
- Et gu’est ze gue z’est zedde vois ? fit le demi-Elfe en écho en se bouchant toujours le nez. Où as-du droubé zedde idée zdubide ?
- Ben… répondit l’adolescent qui, sous les regards de ses amis et de sa copine, ne savait plus où se mettre. J’ai du dans un libre gue barfois, ze genre de vabeurs ouvraient les chagras. Et je be zuis dit gue les biens édaient beu-êdre vermés et gue z’est bour za gue je zuis boins buissant gue vous.
La stupidité de la réflexion surprit tellement Tara, qu’elle ne sut pendant un instant pas quoi faire d’autre que le fixer, puis elle se frappa le front du plat de la main, l’air excédée, en murmurant :
- Don bais gu’est ze gue j’ai vais au ziel bour bérider za…
- Des « chagras » ? Gu’est ze gue z’est gue za ? s’informa Robin.
Comme même Moineau ne savait pas, tous deux fixèrent la Terrienne en attendant une explication.
- Je de zais bas au jusde. Z’est un druc de la religion bouddhisde zur Terre. Bais je d’en zais bas plus, répondit celle-ci, avant de fixer son ami comme s’il était devenu fou : Et du as gru zes salades ? Je de groyais blus intelligent gue za Fabrize, ajouta-t-elle avant de quitter la pièce.
- Du as déjà vais des drucs idiots debuis que je de connais et je zais gue le ridicule de due bas, bais guand bêbe, du exagère, appuya Robin en suivant la jeune fille.
Avant de passer la porte, il lança encore :
- Et du verais bien de vaire dizbaraître dout za. Z’est une braie buandeur et je be debande cobbent Boideau arrive à de zupporder dans zed édat.
La porte refermée, tous deux reprirent une respiration normale.
- Cette fois, il est réellement devenu fou, fit Tara qui avait repris une voix normale.
- Je suis d'accord avec toi, approuva Robin. Je me demande où il a pris cette idée ridicule qu'il faut absolument être très puissant.
- Il paraît que c'est pour pouvoir protéger Moineau. Il fait comme Anakin Skywalker.
- Comme qui ? fit le demi Elfe qui, lui, n'avait pas vu Star Wars.
- Anakin Skywalker. Un personnage très connu de cinéma, qui, à 19 ans, a mal tourné parce qu'il voulait devenir très puissant pour protéger la femme qu'il aimait.
- L'intention était louable, remarqua le jeune homme.
- N'empêche qu'il a quand même mal fini, riposta Tara.
- Que lui est-il arrivé ? questionna encore Robin.
- Il a basculé du Côté Obscur et est devenu Dark Vador. Ensuite il a assassiné tous les Padawans du Temple. Mais finalement il a été stoppé par Obi-Wan Kenobi qui lui a coupé bras et jambes après un combat au sabre laser.
- Côté Obscur ? Padawans ? Temple ? Sabre laser ? releva Robin qui, du coup, ne saisissait pas les notions.
La jeune fille soupira. La conversation était surréaliste. Si, quelques mois auparavant, on lui avait dit qu'elle se retrouverait à expliquer les concepts développés dans la trilogie cinématographique à un Elfe, elle aurait certainement éclaté de rire en recommandant à la personne d’aller voir un psy. Mais plus grand-chose ne l'étonnait sur ce monde, cet autre monde qui portait si bien son nom.
- Tu sais, si je dois t'expliquer Star Wars, il vaudrait mieux qu'on aille s'installer confortablement parce qu'il y en a pour un loooooong moment.
- Ca ne me dérange pas. Je suis curieux et puis pendant ce temps au moins je suis avec toi.
Tara rosit et tous deux se dirigea vers la bibliothèque où ils prirent place, en face de l'autre.
- Bon, donc je vais m'improviser Maître Jedi, s'esclaffa la jeune héritière d'Omois à la grande incompréhension de son vis-à-vis.
- Qu'est-ce que c'est un « Maître Jedi » ?
- Oh la la… Si je dois expliquer chaque mot, on n’est pas sorti de l'auberge…
- Désolé. Ça m'intéresse, c'est tout.
- Je sais. Ca va, ne t'inquiète pas, le rassura-t-elle avant de déposer un léger baiser sur les lèvres du jeune homme qui rougit.
Cela étant, elle se demandait bien par où elle allait bien pouvoir commencer. Le sujet était aussi vaste que complexe et elle ne devait pas employer de vocabulaire trop spécifique, sinon Robin l'interromprait sans cesse pour poser des questions... et elle ne s'en sortirait jamais. Ou alors il faudrait anticiper ces interrogations.
- Hum… Bon… Pour commencer, garde bien l'esprit que tout ce que je vais te dire est abstrait. C'est juste de la fiction.
- D’accord, acquiesça-t-il.
- Alors en fait, le mot « Jedi » regroupe tous les utilisateurs du Côté Lumineux de la force, expliqua Tara.
Comme le demi-Elfe ouvrait la bouche, elle lui fit comprendre qu'il aurait la réponse à la question qu'il allait formuler en l'écoutant. Robin hocha donc la tête et la jeune fille poursuivie :
- Les Jedi sont divisés en trois « classes » : les Padawans, ou apprentis -un peu l'équivalent des Premiers ici si tu veux ; puis les Chevalier et les Maîtres. Le Temple est l'endroit où ils étudient.
Le jeune homme fit signe qu'il comprenait.
Bon, on dirait que je ne m'en sors pas trop mal jusqu'ici, se dit-elle.
- La Force, est une sorte de courant énergétique qui passe dans tout être vivant mais qui est également présent autours des personnes. On peut la comparer à... une rivière par exemple. Une rivière dans laquelle il y a des remous et des rochers que les Jedi doivent apprendre à repérer.
Passionné, Robin écoutait les explications de sa petite amie en semblant littéralement boire ses paroles. Un peu embarrassée, Tara essayait de ne pas perdre sa concentration, car ce « récit » mobilisait toutes les connaissances en la matière qu'elle avait acquises en regardant les films, en lisant quelques livres et surtout en furetant sur Internet. Elle y avait notamment trouvé une encyclopédie en ligne très complète, du nom d'Anakinworld (http://www.anakinworld.com. C’est une vraie adresse et je fais partie des rédacteurs), sur laquelle elle avait passé de longs moments.
- Ca va ? Tu suis jusque-là ? demanda-t-elle à son petit ami elfique afin de se donner le temps de réfléchir à la suite de l'exposé.
- Oui, approuva Robin. Tu expliques très bien et c'est fascinant comme concept.
- Fascinant ? Carrément ? releva-t-elle, surprise.
- Quelle dommage que cette Force n'existe pas réellement, déplora le jeune homme.
- Ben… D'une certaine façon, la magie est une sorte de force. Bien sûr ce n'est pas tout à fait pareil mais... Je continue ?
- Oui s'il te plaît, la pria Robin
Quelques instants passèrent, pendant lesquels Tara essaya de renouer le fil interrompu de son raisonnement. Au fur et à mesure de son explication, elle tentait de regrouper mentalement les informations dont elle se souvenait par thème. Elle espérait ainsi se montrer plus claire.
- Bon, maintenant, suis-moi bien, parce que ça se complique.
- Je t'écoute.
- Les Jedi sentent davantage la force que les autres, car ils ont en eux un taux plus élevé de Midi-Chloriens. Ce sont des organismes microscopiques vivant en... (elle s'interrompit pour chercher le mot qui convenait) symbiose dans leurs cellules. C'est cette concentration en Midi-Chloriens qui leur permette de sentir, comprendre et utiliser la Force, car elle leur parle à travers eux. Plus cette concentration est importante, plus la communication est grande et facile, et c'est ce qui les rend plus sensible à Elle.
Il y eut un court silence, puis la jeune fille déclara :
- Ca, c'est la partie « facile ».
La phrase fit écarquiller les yeux de Robin.
- Parce que c'était facile ?! Je ne sais même pas comment tu fais pour retenir ça...
- Moi non plus figure-toi, répliqua-t-elle. Je ne pensais même pas avoir retenu une si grande quantité d'informations. Comme quoi, la mémoire...
- Alors, quelle est la partie « difficile » ? questionna le demi-Elfe.
- J'y viens. En fait, il y a trois concepts différents : celui de la Force Unificatrice par exemple. Il correspond à la quasi symbiose entre la Force et son utilisateur. Le Jedi qui l’utilise, attend d’elle les réponses à ses interrogations, une solution à ses problèmes. Il est à son écoute mais agit plutôt comme un observateur. Il y aussi celui de la Force Universelle, qui part du principe que la Force n’est ni bonne ni mauvaise et que ce sont les actions de son utilisateur qui lui donnent l’un ou l’autre de ces caractéristiques. Le Jedi qui pense ça estime aussi qu’elle s’auto-équilibre. Et puis il y a celui de la Force Vivante. dans lequel le Jedi n’est plus un observateur. Il s’immerge totalement dedans afin de développer et utiliser ses sentiments pour agir. Cette immersion l’aide à la comprendre pleinement et à l’utiliser bien mieux, expliqua-t-elle patiemment.
- Wow ! s'exclama le jeune M’angil à la fin du monologue. C'est impressionnant dis donc ! Et les Côtés Obscur et Lumineux, qu'est-ce que c'est alors ?
- Ben, c'est justement ce que supprime le concept de la force universelle. Les Côtés « Obscur » et « Lumineux » ne sont que le reflet des actions engagées par le Jedi. « Lumineuses » si elles sont bonnes et justes, « Obscures » si elles sont dictées par la colère, la haine, la vengeance.
- Je vois, fit Robin. Ça paraît logique en fait.
- Ca va ? Tu as tout bien compris ?
- Absolument. C'est terminé ?
- Oui, et c'est pas trop tôt. C'est vraiment très long à expliquer, surtout à quelqu'un qui n'a jamais vu les films. Et encore, je crois que même les gens qui les ont vus ne peuvent pas savoir tout ça. Il faut vraiment faire des recherches pour l’apprendre et passer des heures sur Internet.
- Qu'est-ce que c'est « Internet » ?
- Oh, par les crocs cariés de Gélisor ! jura alors l'héritière d’Omois d'un ton un peu agacé, comme le faisait parfois Cal. Robin, tu n'en a jamais assez de poser des questions ?

xD
Pour une fois, les rôles sont inversés, ce n'est plus Robin qui explique Autremonde à Tara mais Tara qui explique la Terre à Robin^^

Ben c'est pas vraiment la Terre qu'elle lui explique là XD <assume son statut de fan de SW qui transparait meme dans une fic TD>

Ok, je réduis aux grands "mythes" terriens xD
Je ne suis pas une super-fan de SW mais j'aime quand même. Georges Lucas est un génie.

Ouiiiiiiiiiiii !!!
Bon voila la suite XD

* Chapitre 6 *
Premier cours

Ainsi rabroué, le jeune homme se tut, murmurant simplement qu'il était désolé.
- Si tu veux deux informations à propos de la Terre, tu peux aussi les demander à Fabrice. Il sera certainement même bien plus compétent que moi pour te répondre.
Au dîner, Robin, resta perdu dans ses songes. Il se voyait maniant, en lieu et place de l'arc de Llilandril, l'un de ces sabres laser dont Tara lui avait parlé un peu plus tôt dans la journée, au milieu de tous ces Jedi. Et, sans qu'il comprenne à quoi cela correspondait, un mot étrange lui vint à l'esprit, dans une langue qu'il ne connaissait pas mais qui ressemblait à l'elfique par la consonance : Aë'Dem'Varda.
Le jeune homme se demandait ce que cela pouvait bien signifier, lorsque la voix d'Yliana se fit entendre derrière eux.
- J'allais oublier un minuscule détail, dit la guerrière.
- Quel... détail ? interrogea Fabrice qui, au grand soulagement de Moineau, s'était longuement douché.
- Il vous faudra tous accomplir cinq tours complets du parc, tous les matins avant le petit déjeuner.
La déclaration manqua faire s'étrangler Cal, occupé à déguster un rôti.
- Pardon ?! fit le jeune Voleur dès qu'il fut de nouveau en mesure de parler.
- Vous m'avez bien entendue mon jeune ami.
- Mais c'est ridicule ! Combien de temps ça va durer cette plaisanterie ?
- Le temps que j'estimerais nécessaire, fit la jeune femme d'une voix coupante.
- Je me demande bien à quoi ça va nous servir, bougonna encore le Premier de Maître Chanfrein.
- A fortifier vos muscles et à devenir endurants, tout simplement. Tels que vous êtes maintenant, je me demande même comment il est possible que vous ayez tenu tête aux Sangraves, aux Démons et à Magister.
Tara parut sur le point de dire quelque chose, mais Mar'iposa l'en empêcha en s'adressant à son compatriote :
- Robin, inutile de te dire, je suppose, que pour toi c'est double tarif. Mon ancien élève ne peut pas faire moins.
Le demi-Elfe retint un soupir lassé et hocha la tête en guise d'assentiment, tandis qu'Yliana déclarait :
- Je vous attendrais chaque jour à la même heure et au même endroit qu'aujourd'hui. Oh et pendant que j'y pense... si l'un de vous ne suis pas les règles que j'ai édictées... il ou elle s'en repentira, ajouta-t-elle en fixant son regard aigu sur Cal.
Ayant dit cela, elle sortit de la salle et le jeune homme brun singea en tâchant d'imiter la voix de la guerrière :
- "il ou elle s'en repentira"... et gnagnagna... Je me demande bien comment elle compte vérifier qu'on fait bien ce qu'elle dit. Je n'ai aucune intention de courir stupidement en rond comme un poisson fait le tour de son bocal.
- Je te déconseille vivement de lui désobéir, intervint alors Robin qui savait de quoi il parlait. Elle a des façons très désagréables de punir la rébellion.
- Comme ? fit Fabrice qui se trouvait assis à sa gauche.
- Fais-moi confiance, tu n'as pas envie de le savoir, rétorqua le demi-Elfe.
- Je t'assure que si.
Alors Robin lui murmura quelque chose à l'oreille et le Terrien s'exclama :
- Mais elle est complètement "contraire de vrai ; article" !
- Je trouve son initiative excellente moi, fit alors Fafnir. Je ne comprends pas ce que vous avez contre les exercices physiques. C'est amusant et bon pour la santé autant qu'utile.
- Amusant ? releva alors Cal. Je crois que nous n'avons pas la même conception de ce qui est amusant tu vois.
- Je crois que nous ferions bien de ne pas trop tarder à aller dormir, dit alors Moineau pour détendre l’ambiance. Nous allons avoir une journée fatigante demain et nous aurons besoin de toute notre énergie.
- Elle a raison, approuva Robin.
Cal maugréa, mais comme ses amis se levaient, il se décida à faire de même, non sans avoir attrapé au passage une grosse poignée de biscuits, qu’il avala en un clin d’œil tout en se dirigeant vers le dortoir.


Le lendemain matin, de bonne heure, les six amis se retrouvèrent à l’extérieur du Château. Et si tout le monde semblait fatigué, Cal, lui, arborait une mauvaise humeur significative. Ses amis s’entre-regardèrent, puis se mirent à courir comme il leur avait été ordonné. Au bout de deux tours, Tara, Moineau, Cal et Fabrice étaient déjà épuisés, mais les paroles peu rassurantes de Robin leur revinrent en mémoire et ils se forcèrent à poursuivre en se demandant comment ils allaient être assez en forme pour l’entraînement de l’après-midi. Quant à Fafnir, elle, continuait pour le plaisir et le demi-Elfe devait en effectuer dix.
Une bonne heure plus tard, quand le groupe se retrouva à la table du petit déjeuner, ils mourraient tous littéralement de faim. Cette fois donc, Cal ne fut pas le seul à engloutir la nourriture et à se resservir plusieurs fois.
Les humains, fatigués, eurent du mal à se concentrer sur leurs tâches pendant la matinée et cumulèrent les erreurs, ainsi que les réprimandes de leurs Maîtres respectifs.
A midi, lorsqu’ils s’assirent pour déjeuner, les spéculations sur l’entraînement imminent allaient bon train.
- Moi, je penche pour de la lutte, fit Fabrice. Sinon, à quoi aurait servi ce qu’elle nous a fait faire hier ?
- Plutôt combat à l’arme blanche, proposa Fafnir que l’idée semblait enchanter.
- Qu’en penses-tu Robin ? l’interrogea alors Tara tout en le dévorant des yeux.
- Je pense… qu’on verra bien tout à l’heure, répondit celui-ci en rendant son regard à la jeune fille.
Lorsqu’ils eurent fini de manger, il leur fallut bien se rendre dans la cours. Et quelle ne fut pas leur surprise de trouver sept cibles alignées à l’autre bout.
Vive d’esprit, Fafnir comprit immédiatement de quoi allait traiter la leçon du jour… et cela ne l’amusa pas du tout.
- Je ne toucherais pas à un arc ! protesta-t-elle avec irritation. Hors de question ! Sans vouloir vous manquer de respect à tous les deux, c’est une arme d’Elfe ! Le jour où un nain touchera un arc n’est pas arrivé !
Loin de sembler offensée, Yliana tourna la tête vers la jeune fille d’un air amusé.
- J’avais prévu votre réaction, Damoiselle Forgeafeux, fit la guerrière. C’est pourquoi j’ai prévu pour vous une arbalète qui, je pense, sera plus de votre goût.
Calmée par cette déclaration, la naine hocha la tête, tandis que Mar’iposa enchainait :
- En effet, votre premier cours portera sur le tir à l’arc. Robin, tu es prié de ne pas utiliser l’arc de Llilandril mais un arc dépourvu de magie. Que je juge si tu as progressé ou régressé.
A cette annonce, le jeune homme sentit le mécontentement de l’arc enchanté et grimaça, mais acquiesça.
- Bien, que chacun se positionne devant une cible s’il vous plait.
Les adolescents s’exécutèrent et elle distribua à chacun un arc tout ce qu’il y a de banal, sans oublier l’arbalète pour Fafnir.
- Y en a-t-il parmi vous –hors Robin évidemment- qui aient déjà tenu un arc ou une arbalète auparavant ? interrogea-t-elle en fixant sur chacun un regard sérieux.
Comme tout le monde gardait le silence, elle leur montra comment tenir l’arme fermement et de quelle façon encocher la flèche ou le carreau. Avec un plaisir non dissimulé, Robin vint se placer derrière Tara et, plaçant les bras de part et d’autre d’elle, l’aida à obtenir la bonne position, ce qui fit rougir l’héritière d’Omois… et froncer les sourcils de son ancien Maître d’armes.
- Robin, à ta place s’il te plait. Ne te déconcentre pas, fit-elle sèchement.
En soupirant, le jeune homme retourna d’où il venait et, lorsque les essais furent assez concluants (ce qui prit tout de même beaucoup de temps), Yliana expliqua :
- Il faut que le bras soit exactement dans le prolongement de la flèche ou du carreau et que l’œil soit dans celui de votre bras. Donc, l’œil et le centre de la cible ne doivent plus faire qu’un. Faites le vide dans votre esprit et concentrez-vous uniquement sur l’objectif. De cette façon.
Ayant dit cela, elle sortit son propre arc, déjà bandé, arma son tir et, avec une vitesse surhumaine, décocha sa flèche. Le trait fendit les airs en sifflant et, quelques secondes plus tard, alla se ficher exactement à l’endroit où la demi-Elfe l’avait prévu : en plein milieu de la cible.
Le regard des adolescents bouche bée et impressionnés, passa de l’archère à la cible, avant de se fixer de nouveau sur leur instructrice.
- A votre tour à présent. Si vous suivez mes consignes, vous y arriverez. Et une fois que vous avez tiré, reposez votre arme. Je ne veux personne arme en main pendant que l’un tire ni pendant que les autres vont récupérer leurs flèches ou carreaux. Et sous aucun prétexte vous n’allez chercher vos traits avant que tout le monde ait tiré et reposé son arme, est-ce que c’est bien compris ?
Les jeunes gens hochèrent la tête.
Premier sur le pas de tir improvisé, Cal ouvrit la ligne. Il encocha sa flèche, arma son tir, visa et lâcha le tout. Tous suivirent du regard la flèche… qui alla se planter dans un arbre juste derrière. Réprimant un mouvement de mauvaise humeur, le Voleur Patenté laissa Tara, suivante sur la liste, se préparer à son tour. Imitant de son mieux les gestes montrés par la guerrière et appuyés par Robin, elle tira à son tour… mais encore troublée par la récente proximité de son petit-ami elfique, elle ne se concentra pas suffisamment et manqua elle aussi son objectif. En réalisant la raison de cet échec, elle devint écarlate et trouva plus prudent d’observer Fabrice qui se tenait prêt à son tour.
Pendant les essais, Yliana passait derrière chacun de ses élèves en analysant chaque geste, mais sans proférer la moindre observation, ce qui mettait mal à l’aise les apprentis archers et arbalétriers.
Le Terrien lui aussi rata le centre, mais parvint tout de même à ficher le trait dans la paille… bien qu’à l’extérieur de la cible en elle-même. Fier de lui, il se tourna vers Moineau, attendant que la brune princesse le félicite, mais, trop concentrée sur l’épreuve, celle-ci lui accorda à peine un regard, ce qui le vexa et il s’enferma dans un silence boudeur. La jeune fille elle aussi, manqua le but, mais cela ne sembla pas tellement la surprendre. A son tour, Fafnir encocha le carreau dans le mécanisme de son arbalète, visa et tira… avec une telle force que le trait, non seulement toucha mais traversa la cible pour aller se planter profondément dans un arbre.
Un hochement de tête approbateur de Mar’iposa salua l’exploit et la demi-Elfe vint se poster derrière son ancien élève. Conscient du regard de la jeune femme, Robin sentit sa nuque le brûler et la pression qui s’exerçait dès à présent sur ses épaules. Il savait qu’il n’avait pas droit à l’erreur. Que s’il échouait ou la décevait… les conséquences seraient désastreuses pour lui. Il savait ne pas être mauvais en la matière… mais l’arc de Llilandril, arme intelligente et douée de conscience, lui apportait une indéniable confiance en lui et une assurance que sa timidité naturelle ne lui apportaient pas. Comme ses camarades, il arma son tir, visa… et décocha. Comme guidée par une force invisible, la flèche fendit les airs à son tour en sifflant de façon similaire à celle d’Yliana… et alla se planter dans la marque rouge indiquant le milieu de la cible. Le jeune homme soupira intérieurement de soulagement. Il n’avait pas failli. Son honneur était sauf.
- Bien, mon ancien élève, commenta sobrement la jeune femme.
Et dans sa bouche, il s'agissait d'un grand compliment.
Elle s'adressa ensuite à tous :
- A présent, je vous prierais de tirer toutes les traits à votre disposition, puis d'attendre que je prononce le mot "flèches" pour aller les récupérer. Allez.
Dans un silence concentré uniquement troublé par le chant des oiseaux, chacun s'exécuta. Bien sûr, quelques instants suffirent à Robin pour vider son carquois et chaque flèche se ficha exactement où il l'avait décidé. Il fut suivi de près par Fafnir qui, elle aussi, épuisa rapidement sa réserve. Contre toute attente, le suivant ne fut pas Fabrice, mais Cal, ce dont le petit Voleur ne fut pas peu fier. Tara, Moineau et le jeune Terrien y parvinrent quelques minutes plus tard.
- Bien... Flèches, fit la guerrière lorsqu'elle eût constaté la fin de la session.
Le signal donné, les adolescents allèrent rechercher leurs traits et, en récupérant ses carreaux d'arbalète, la naine eût la désagréable surprise d'en retrouver plusieurs brisés en deux. Dans une grimace, elle regagna le pas de tir, imitée par ses camarades et le cours se poursuivit encore durant une heure. Pendant ce laps de temps, elle et Robin, qu'elle avait bombardé assistant, passèrent parmi eux afin de rectifier qui une position des pieds ou des bras, qui une direction de flèche...
Lorsqu'elle jugea leurs efforts satisfaisants, Yliana déclara :
- Vous n'aurez pas tir à l'arc tous les jours, mais je vous conseille cependant de vous entraîner quotidiennement. Dans quelques temps, je vous évaluerai à ce sujet.
Une exclamation catastrophée salua ces paroles, qu'elle ignora en concluant :
- Demain, nous aborderons le combat à l'épée. Vous pouvez disposer.
Cal ayant réussi l’exercice, son humeur s’améliora sensiblement et il se prit à espérer réussir aussi bien à l’entraînement du lendemain, occultant l’ennuyeuse course matinale obligatoire.

Oh, oh! On ne rigole pas avec Yliana^^
Toujours aussi bien!

Comme je ne suis pas là du week-end, je vous met trois chapitres à la suite, comme ça vous aurez de la lecture :

* Chapitre 7 *
Volontés opposées

Le lendemain, au repas de midi, Robin recommanda à ses amis de ne pas déjeuner trop copieusement afin de conserver toute leur agilité. Estimant à juste titre que le demi-Elfe savait de quoi il parlait, tous l’écoutèrent, mais, en se dirigeant vers la cours, ils entendirent le ventre de Cal gargouiller, preuve irréfutable qu’il n’avait pas assez mangé à son goût. Embarrassé, le petit Voleur bafouilla une excuse et tous se regroupèrent autour d’Yliana. Celle-ci sortit d'un coffre six épées de bois et s'apprêtait à les leur distribuer, lorsque la voix de Fafnir s'éleva :
- Des jouets en bois ? Vous rigolez ?
Le regard océan se posa sur la naine, plus aigu que jamais.
- Je sais que Robin vous a racontés ses entraînements passés, Damoiselle Forgeafeux. Aussi ne perdrais-je pas mon temps à vous répéter ce que vous savez déjà. Permettez-moi juste de vous signaler que sous-estimer ces "jouets" (et on sentait les guillemets virtuels dans sa voix) serait une mauvaise idée.
Ayant dit cela, elle distribua lesdites armes, qui s'avérèrent aussi lourdes que des vraies, puis les fit s’éloigner les uns des autres et les fixa les uns après les autres comme pour les jauger et évaluer leur condition physique, puis fronça les sourcils, ce qui fit craindre le pire à Robin qui connaissait la signification de la moindre de ses mimiques.
- Je n’ai pas des mois pour vous enseigner ce que je sais, je vais donc être obligée de vous faire une sorte de formation accélérée (et on sentait au ton de sa voix que cela lui déplaisait souverainement). Par conséquent, je vous demanderai de bien vouloir rester très attentifs.
Ayant remarqué la grimace de leur ami, les jeunes gens se contentèrent de hocher la tête et, empoignant son épée, Mar’iposa prit une position particulière.
- Ceci, expliqua-t-elle, est la garde de base. C’est celle qu’il vous faudra adopter au départ.
Elle s’assura qu’ils avaient tous bien regardé et enregistré, puis, tout en faisant les cent pas devant eux, Yliana lança :
- L’idée, c’est de vous imaginer au centre de trois cercles concentriques. Le but est de conserver votre garde dans celui qui est le plus éloigné. Car éloigner son arme de soi permet aussi d’éloigner son adversaire.
Elle s’interrompit un instant pour vérifier qu’ils suivaient, puis poursuivit :
- Le second cercle vous sert majoritairement pour les parades. Quand au dernier, s’il ne vous est pas utile en combat… il est votre seul espoir de survivre si un adversaire y pénètre. Il faut alors vous écarter immédiatement, car dans ce cas, il n’y a plus rien entre votre corps et lui. C’est bien compris ?
La guerrière s'exprimait simplement, mais ils subissaient depuis deux jours un tel déluge d'informations martiales... Et, si cela ne posait aucun problème à des guerriers entraînés comme Robin et Fafnir, les jeunes humains, eux, peinaient bien plus. Pourtant, concentrés, ceux-ci acquiescèrent et la jeune femme continua d'un ton docte :
- Je vais à présent vous montrer la base en matière d'attaques et de parades. Regardez bien, car il vous faudra ensuite reproduire tous mes gestes.
Et la demi-Elfe se mit en devoir de montrer chaque mouvement en le décomposant lentement, de façon à ce que tous voient et retiennent bien.
- A vous maintenant, fit-elle à la fin de sa démonstration. Commencez par les parades.
C'était plus facile à dire qu'à faire. Les armes s'avéraient bien plus lourdes que ce à quoi s'attendaient les adolescents et les bras des jeunes humains étaient fort peu taillés pour ce type d'exercices, mais ils firent leur possible. Après un bon moment, Fabrice, qui ne sentait plus ses bras, manqua lâcher son épée sur le pied de la naine placée à sa droite. Celle-ci lui jeta un regard désespéré, avant de reprendre ses katas d'un air dégagé. Quant à Tara, elle avait l'impression que l'arme pesait l'équivalent de Maître Chem et la jeune fille peinait déjà à la soulever... alors espérer réussir à la manœuvrer tenait de l'utopie... Comment faisaient donc Robin et Yliana (elle ne parlait même pas de Fafnir, dont les impressionnants biceps saillaient en permanence de son haut ajusté) ? En mobilisant toute sa volonté, elle parvint pourtant à effectuer les parades demandées contre un ennemi invisible. Mais à quel prix... En nage et les cheveux emmêlés, son visage trahissait un tel épuisement, qu'elle fit peine à Robin qui ne pouvait s'empêcher de la dévorer du regard. Il n'aurait pas demandé mieux que lui venir en aide... mais Yliana veillait. Sévère, la guerrière n'hésiterait pas à se montrer encore plus dure avec l'héritière d'Omois s'il esquissait ne serait-ce que le moindre geste en direction de sa Tara adorée. Il restait donc là, impuissant devant sa détresse et sa fatigue.
- Ne fais donc pas cette tête Robin, murmura alors Mar'iposa juste derrière lui. Un peu d'exercice n'a jamais tué personne et la fatigue non plus. Ta précieuse Tara ne va pas en mourir.
Stupéfait qu'elle ait deviné, le jeune homme se tourna vers sa compatriote.
- Mais, souffla-t-il de même, comment est-ce que...
- Je sais toujours ce que j'ai besoin de savoir, rétorqua-t-elle. Tu devrais le savoir Robin M'angil.
- Tu aurais dû devenir Camouflée ou travailler dans les services secrets, fit alors le demi-Elfe à voix basse, je l'ai toujours su.
La guerrière haussa les épaules.
- Pas assez d'action dans ces métiers-là. Je ne suis pas une planquée moi, asséna-t-elle sans douceur.
Une planquée ? Voilà un qualificatif tout à fait inadapté, qui aurait fait très plaisir à Séné Senssass, la chef des Camouflés d'Omois ou à son propre père, Tandilus M'angil, chef des services secrets du Lancovit. Un instant, l'adolescent se prit à imaginer un combat opposant Senssass à Mar'iposa... et cela l'amusa.
- Quelque chose te fait rire dans ce que je viens de dire ? fit-elle alors en le fixant dans les yeux, ce qui lui donna l'impression qu'elle lisait dans son âme et lui provoqua des sueurs froides.
En effet, la jeune femme était exactement le genre de personne, redoutable, qu'il vallait mieux éviter d'irriter et, à fortiori, de provoquer.
- Non Yliana, pas du tout. Ca n'avait rien à voir, je t'assure.
- Il vaut mieux pour toi, mon ancien élève, dit-elle encore, la voix chargée de menaces sous-jacentes, avant de s'éloigner précisément vers Tara.
Une nouvelle fois, Robin poussa un soupir intérieur. Déjà lorsqu'il était petit, il se tenait certain que la guerrière était capable de lire ses pensées... et cette sensation s'avérait, non seulement encore vivace des années plus tard, mais aussi accrue. Encore quelque chose qui le mettait mal à l'aise avec elle. Il aurait préféré qu'on fasse appel à quelqu'un d'autre qu'elle car cela lui aurait évité de se trouver si souvent en sa présence... mais force lui était de reconnaitre qu'elle était la femme de la situation et ce à bien des égards.
- Allons princesse, un peu de nerfs, c'est mou tout ça. Si vous vous défendez de cette façon, un ennemi vous tuera en une fraction de seconde, lâcha durement Yliana.
Suspendant le geste qu'elle amorçait, l'adolescente fixa ses yeux saphir dans ceux, océan, de son interlocutrice et la dévisagea sans faillir. Elle en avait de bonnes la demi-Elfe ! Elle était persévérante et de bonne volonté, mais il ne fallait pas exagérer non plus. Ne voyait-elle pas son épuisement ?
- Je fais ce que je peux figurez-vous, fit Tara entre ses dents, retenant de justesse la réplique cinglante qui menaçait de lui échapper, ce qui, à priori, s'avérait une assez mauvaise idée.
Le coin de la bouche de la guerrière se releva en une ombre de sourire sarcastique, que démentait la froideur de son regard.
- Et bien vous pouvez peu. Si c'est là la puissante sortcelière qui a vaincu le Ravageur, des Démons et qui tient tête à Magister... je m'étonne que vous soyez toujours en vie.
Furieuse contre les injustes accusations, l'héritière d'Omois fit un geste vers elle avec son épée. Sans aucun mal et sans même tirer la sienne, la jeune femme esquiva et, d'une simple torsion du poignet, désarma sa fragile adversaire, tout en récupérant l'épée de l'autre main.
- Un enfant qui tente de jouer dans la cours des grands ? Tu va trop vite, Altesse Impériale, lança-t-elle dans un franc sourire ironique. Avant de savoir courir, il faut apprendre à marcher... et pour le moment, tu es à peine capable de te traîner à quatre pattes. Entraîne-toi aux offensives et ensuite nous verrons à éventuellement t'opposer quelqu'un, ajouta-t-elle encore.
A ces mots, Tara sentit sa magie la démanger fortement et elle dût se faire violence pour ne pas l'expédier au sol.
Pas de magie sur une Nonsos, se répétait-elle pour tenter de se calmer.
Mais pourquoi la demi-Elfe adoptait-elle un comportement si exécrable avec elle ? Qu'avait-elle fait pour mériter ça ?
Ses amis avaient suivi la scène, consternés. Ils savaient par Robin, que son ancien maître d'armes s'avérait loin d'être commode, mais à ce point...
- Qu'es-ce que vous attendez vous autres ?! aboya alors Yliana en constatant leur soudaine inactivité. Au travail !
S'en fut trop pour Robin, qui se dirigea vers elle.
- Qu'est ce qui te prend ? fit-il à mi-voix. Pourquoi harcèles-tu Tara de cette façon ? Tu es devenue folle ou quoi ?
- Je sais très bien ce que je fais.
Ahuri, le jeune homme l'observa.
- Tu veux dire... que ta façon de faire est délibérée ?
- En effet.
- Mais... pourquoi ? Que cherches-tu à faire ?
- A ce qu'elle se dépasse, tout simplement. Elle est courageuse et vaillante... et je vois très bien qu'elle est à bout de forces, je ne suis pas aveugle. Mais un ennemi n'arrêtera pas ses coups parce que Tara sera fatiguée. Il est nécessaire et même vital qu'elle s'endurcisse suffisamment pour se trouver en mesure d'affronter résolument n'importe quel ennemi.
Robin hocha la tête, puis jeta un coup d'œil énamouré à la jeune fille qui, de loin, fusillait la guerrière du regard.
- L'idée est bonne, mais étant donné la mesure de ses pouvoirs... la provoquer de cette façon n'est peut-être pas une bonne idée tu sais. Elle t'en veut.
- Peu me chaut vois-tu, si elle parvient à faire ce que je demande, fit la jeune femme en relevant fièrement son beau visage. Je n'ai pas été engagée pour être appréciée de vous, mais pour vous entraîner. Et si, pour cela, je dois encourir votre haine, alors soit. Je n'hésiterai pas une seconde.
Un moment passa, pendant lequel elle fixa Tara qui avait repris ses exercices, puis la demi-Elfe se dirigea vers la jeune fille.
- C'est pathétique... laissa-t-elle tomber sans ménagement. Allons, arrêtez pour aujourd'hui, princesse. Vous me faites pitié.
Ayant dit cela, elle se détourna sans laisser à l'héritière d'Omois le temps de répliquer, puis fit signe aux autres de cesser également, avant de s'éloigner sans un mot pour qui que ce soit.
Enervée, Tara jeta violemment son épée au sol dans un grand fracas et lâcha une bordée de jurons divers, ce qui surprit ses amis et manqua faire rougir Fafnir elle-même.
- Du calme Tara, essaya de l'apaiser Moineau en constatant sa colère.
- Cette [censurée] ! s'exclama-t-elle, la voix tremblante. De quel droit me rabaisse-t-elle comme ça ? Je la déteste ! Je la maudis !
Une fois la digue de ses émotions rompue par cette déclaration véhémente, la fatigue eût raison d'elle et l'adolescente éclata en sanglots convulsifs. Immédiatement, Robin se précipita vers elle pour la prendre dans ses bras rassurants. Il ne pouvait pas rester de marbre devant la détresse de sa bien-aimée. Il aurait voulu la rassurer, lui dévoiler le but de la sévérité d'Yliana... mais il ne le pouvait pas. Il se contenta donc de la serrer contre lui en embrassant régulièrement ses cheveux.
- Calmes-toi, lui murmura-t-il tendrement. Ca ira. Tout va s'arranger, je te le promets.
- Comment... peux-tu... le savoir ? hoqueta l'héritière d'Omois. Elle me... déteste !
- Mais non, je t'assure. Yliana ne poursuit personne de sa vindicte et toi encore moins. Calmes-toi ma douce, souffla-t-il encore en se promettant de retourner parler à son ancien maitre d'armes.
Les yeux agrandis par la surprise, la jeune fille releva la tête et le dévisagea.
- Qu'est ce que... tu as dis ? balbutia-t-elle à travers ses larmes.
- Heu... qu'elle ne te détestait pas, reprit le jeune homme, décontenancé.
- Non je... comment m'as-tu appelée ?
- Ma douce, répéta Robin dans un sourire à faire fondre un iceberg.

* Chapitre 8 *
C’en est trop

A partir de ce moment-là, les leçons suivirent aux leçons. Egale à elle-même, Yliana faisait des réflexions acerbes à Tara, qui manquait s’énerver et utiliser sa magie contre elle ; Robin tentait de temporiser les relations entre ces deux forts caractères, aidé de Moineau qui faisait de son mieux ; Fafnir s’amusait de la situation ; quand à Cal et Fabrice, ils comptaient les points en surveillant du coin de l’œil qu’il n’arrive pas de catastrophe.
Un jour pourtant, après avoir essuyé une pluie de remarques, l’héritière d’Omois perdit patience et lança sur la guerrière une boule d’énergie. Ce geste aurait pu, sinon la tuer, du moins la blesser sévèrement, si Robin, avisant le danger encouru par son ancien mentor, n’avait pas violemment poussée celle-ci au sol, puis protégée avec un bouclier.
- Tara non ! Depuis quand utilise-t-on la magie pour régler ce genre de problème ? protesta le demi-Elfe dont le cœur battait la chamade à l’idée qu’Yliana aurait pu mourir.
Cette fois ça y était… Ses craintes se vérifiaient. Devoir protéger son amie contre sa petite-amie… quelle ironie du sort… Pourquoi fallait-il toujours que ce genre de situation tombe sur lui ?
- Depuis qu’elle me harcèle ! rétorqua la jeune fille, hors d’elle en fusillant la demi-Elfe du regard. Qu’elle ne m’approche plus ou je ne réponds plus de moi !
Le garçon allait répondre, mais, arborant un sourire moqueur, Mar’iposa se releva en essuyant le sang qui coulait de sa lèvre éclatée sous l’impact avec les pavés.
- La magie… Alors c’est là votre seule façon de vous défendre ou de répondre lorsqu’on s’en prend à vous Altesse Impériale... (et à la façon dont elle avait prononcé ces deux mots, on sentait que le qualificatif n’était, en l’occurrence, pas du tout respectueux). C’est donc que vous n’avez rien appris… et dans ce cas, je ne vois vraiment pas ce que vous pourriez faire dans le cas où vous en seriez privée. Vous êtes condamnée d’avance.
Un silence glacé salua ces paroles et tous s’entre-regardèrent. Plaisantait-elle ou… Mais à voir son visage et la dureté minérale de son regard, il s’avérait évident que non.
- Quand à toi, ajouta-t-elle froidement en s’adressant à Robin, la prochaine fois, abstiens-toi de ce genre de geste… Je n’ai besoin de personne (elle insista bien sur le mot) pour me protéger.
J’espère bien qu’il n’y aura pas de prochaine fois, songea le jeune homme en soupirant, avant de dire à voix haute : Yliana ! N’en rajoute pas s’il te plait et arrête de jouer les têtues ! Tu sais très bien que malgré toute ta force, tu es sans défense contre la magie ! Et encore davantage contre celle de Tara !
Un ricanement fut la seule réponse qu’il obtint. Puis, au bout de quelques instants, Yliana lâcha à l’adresse de la jeune fille blonde :
- Puisque vous êtes si douée, je vous laisse vous débrouiller seule avec vos amis. Mais dites-vous bien que cela ne change rien au test qui arrivera bientôt…
Ayant dit cela, elle tourna les talons et s’éloigna sans un mot supplémentaire, aussitôt suivie de Robin. Restés seuls, les adolescents, à l’exception de Tara, se regardèrent, consternés. Comment allaient-ils faire si elle les laissait livrés à eux-mêmes ?
Rattrapant son ancien mentor, le demi-Elfe lui dit :
- Tu exagère avec Tara… Je sais que tu ne veux que son bien, mais tu te rends compte qu’elle aurait pu te tuer sans aucun problème ?
Haussant les épaules, la guerrière ne répondit pas et pénétra dans le palais.
- Attend, tu saigne, je vais t’appliquer un Reparus.
- C’est inutile. Une lèvre éclatée n’a jamais tué personne.
- Laisse-moi faire s’il te plait… la pria-t-il, à bout d’arguments.
- Si ça t’amuse… soupira-t-elle en s’immobilisant.
- Par le Reparus, qu’Yliana guérisse, afin que nous enseigner elle puisse, incanta-t-il, les yeux fixés sur l’écorchure.
L’effet aurait dû être immédiat… mais rien ne se produisit. Surpris, le jeune homme fronça les sourcils, mais recommença.
- Par le Reparus, qu’Yliana guérisse, afin que nous enseigner elle puisse, incanta-t-il de nouveau.
Comme pour l’essai précédent, aucun changement n’eût lieu et le demi-Elfe prit un air soucieux qui alerta la guerrière :
- Que se passe-t-il ?
- Je ne sais pas. Mon sort ne fonctionne pas…
- Ce qui prouve que la magie a ses limites, déclara alors son interlocutrice, triomphante.
- Yliana s’il te plait… pria-t-il d’un air tendu, avant de répéter pour la troisième fois : Par le Reparus, qu’Yliana guérisse, afin que nous enseigner elle puisse.
Mais la tentative échoua comme les autres, ce qui fit jurer le sortcelier.
- Il y a quelque chose d’anormal… mais j’ignore quoi. Viens avec moi s’il te plait, fit-il avant de se précipiter vers la cours à toute vitesse.
Haussant les épaules, la jeune femme le suivit sans se presser. En arrivant, le demi-Elfe semblait vraiment agité, ce qui inquiéta ses amis.
- Robin, qu’est ce qu’il y a ? s’enquit Tara en s’approchant de lui.
Mais le demi-Elfe ne répondit pas immédiatement, occupé à jeter de fréquents coups d’œil derrière lui d’un air impatient. Et lorsqu’Yliana fit de nouveau son apparition, faisant grincer des dents l’héritière d’Omois, il se précipita vers elle, lui prit le bras pour la faire se rapprocher plus rapidement et annonça à ses amis :
- Il y a un problème avec la magie. Quand j’incante, rien ne se passe. Regardez : par le Reparus, qu’Yliana guérisse, afin que nous enseigner elle puisse.
Dans la seconde, le sortilège opéra et la coupure sur le doux visage de la jeune femme se résorba entièrement sans laisser aucune trace.
- Et bien, où est le problème ? interrogea alors Fabrice. Moi je trouve que ça fonctionne très bien.
- Je n’y comprends rien, fit alors le jeune homme, ahuri. Il y a cinq minutes j’ai fais trois essais avec cette même formule sans que rien ne se produise.
- Tu es sûr ? Moi je crois plutôt que tu es fatigué. Ou alors ce sont tes sentiments pour Tara qui amoindrissent tes facultés, railla gentiment Cal.
Un regard noir que la jeune fille lui jeta à la place de son petit-ami le fit taire.
- Et tu t’y es pris de la même façon tout à l’heure ? demanda Moineau.
- Mais oui ! s’agaça Robin qui n’aimait pas ne pas comprendre les choses. Enfin tu sais bien comme je fais tout de même…
- Ecoute, personne ne peut rien pour le moment, fit alors Tara. Rentrons. Je dois ranger ma chambre de toute façon.
Puis, en voyant l’air inquiet de son bien-aimé, elle ajouta en posant une main sur son bras :
- Je suis sûre que ce n’est rien.
- Tu as peut-être raison. Je dois m’en faire pour rien, fit alors le jeune homme en souriant. Tu as besoin d’aide pour ta chambre ?
- Non, ça devrait aller. Un petit sort et hop.
La phrase amena une grimace dédaigneuse sur les lèvres d’Yliana. La magie, toujours la magie pour tout et n’importe quoi… Pour la guerrière, il s’agissait d’une solution de facilité, d’un moyen pour les feignants de s’épargner quelques minutes d’effort. Elle ne pensait pas la jeune fille si paresseuse, mais s’était visiblement trompée à ce sujet. Dommage. Un nouvel espoir déçu. Elle n’était plus à cela près de toute façon. Depuis quinze ans, l’instruction de Robin mise à part, sa vie n’était constituée que d’échecs et de désillusions. Pourquoi en serait-il soudain allé autrement ?
Après un dernier coup d’œil aux adolescents, la guerrière s’éloigna rapidement sans une parole, mais, désormais habitués à son comportement pour le moins irascible, aucun d’eux ne s’offusqua de ce brusque départ.
Perdue dans ses pensées, la jeune femme prit de nouveau la direction du Château. Tout en marchant, elle revit T’aryl, son tout premier élève. Elle le revit si appliqué, si fier mais si… étourdi. Transpercé par une épée durant un combat, l’année de ses 18 ans, il était mort sur le coup. Son premier échec. Il avait oublié d’emporter son bouclier.
Puis il y avait eu Terak, un jeune humain. Elle l’avait tellement poussé à se dépasser, tellement houspillé, brusqué… qu’il avait préféré entrer dans les ordres plutôt que rester davantage sous sa tutelle. Elle avait été à la fois vexée et mortifiée de sa décision. Surtout que celle-ci s’était révélée très soudaine. Après cela, Mar’iposa s’était longtemps demandé si ses méthodes s’avéraient les bonnes et si elle était vraiment faite pour cette profession.
Ensuite, il y avait eu Zaden. Son cher et admirable Zaden. Avec lui, Yliana, à l’époque sensible et encline au sentimentalisme, avait fait la seule erreur à éviter. La seule faute indigne d’une guerrière, indigne d’un instructeur... Elle était tombée amoureuse de son élève. Mais à l’époque, elle ne s’était pas souciée de l’indignité de son comportement. De toute façon, comment aurait-elle pu lui résister ? Le jeune Elfe était non seulement beau et fier, mais bon, aimable et attentionné autant qu’attentif, courageux et excellent combattant. Il l’admirait, la respectait, l’adulait presque. Et puis, après quelques mois, lui aussi avait succombé et ils avaient passé des moments merveilleux, ne se quittant pratiquement jamais. Jusqu’au jour où le jeune homme, âgé de 20 ans tout juste, fut enrôlé par son père, seigneur de guerre. es adieux avaient été déchirants, mais le jeune homme l’avait tant assurée qu’avec son enseignement il ne risquait rien, qu’elle l'avait laissé partir avec l’espoir insensé de le voir revenir sain et sauf. Oui bien sûr qu’il allait revenir… C’était une évidence. Son instinct de femme amoureuse le lui disait et il ne pouvait la tromper. C’était certain. Et puis… un jour, un messager s’était présenté au père de Zaden, Zeren Till’lindeman. La mort dans l’âme et les larmes aux yeux, l’Elfe était ensuite venu la trouver… pour lui annoncer le décès de son fils unique. Parler de désespoir pour qualifier la réaction générée par cette nouvelle serait en dessous de la vérité. Yliana s’était littéralement effondrée dans les bras de son employeur. Le temps, passant inexorablement, avait fini par atténuer sa douleur, mais la guerrière savait que la blessure ne disparaitrait jamais complètement. A partir de ce jour, elle décida de fermer son cœur à toute émotion, pensant ainsi éviter de souffrir. Et elle s’endurcit au point de devenir dure et cynique.
Elle avait ensuite été engagée par le père de Robin. Le jeune demi-Elfe s’était révélé sa seule réussite et il fut son dernier apprenti. C’est lui qui avait fait les frais de sa nouvelle sévérité. Elle l’en avait fait baver, mais il ne s’était jamais plaint ou presque.
Les souvenirs lui ayant tiré d’involontaires larmes, Yliana essuya celles-ci d’un geste presque rageur. A quoi servait de se remémorer le passé ? Cette ridicule sensiblerie n’était pas digne d’une guerrière accomplie et s’avérait surtout totalement incompatible avec sa charge et son caractère. Elle ne pouvait se permettre d’être faible.
Si l’espace d’une minute, la jeune femme avait semblé féminine dans sa douleur, sa froideur reprit bien vite de dessus.
Dans un mouvement rapide, elle s’assura que nul n’avait aperçu ses pleurs. Quelle honte dans le cas contraire… Mais heureusement pour elle, le corridor était désert. Son honneur de guerrière sauf, elle entre dans ses appartements.


Après quelques minutes de discussion supplémentaires, Tara pénétra à son tour dans le Château. Il fallait avouer qu’elle avait franchement dérangé sa chambre le matin, en cherchant quelque chose qu’elle n’avait, du reste, pas retrouvé. D’ailleurs ceci paraissait assez étrange, car l’héritière d’Omois se tenait certaine de l’avoir rangé à un endroit précis, à savoir le fond de son armoire.
Parvenant devant sa porte, elle entra dans la pièce.
Hum… se dit-elle en constatant l’étendue des dégâts, un sort de rangement ne serait pas superflu je crois.
En souriant, elle incanta donc :
- Par le Rangeus, que mes affaires soient rangées et parfaitement pliées ;
Elle attendit ensuite un effet… qui ne vint pas.
Que se passe-t-il encore ? s’interrogea-t-elle avant de se souvenir du récit de Robin.
Etait-ce contagieux ? Tous ceux se trouvant à proximité du demi-Elfe se trouveraient-ils mystérieusement privés de leur pouvoir ?
En tout cas, la jeune fille n’aimait pas ça du tout et elle commençait à comprendre la raison de l’entraînement d’Yliana.

* Chapitre 9 *
Ayana

Toujours en colère contre sa réaction instinctive, Yliana claqua violemment la porte de sa chambre, ce qui fit trembler les murs attenants, au grand déplaisir du Château. Idiote ! Idiote ! Idiote ! La jeune femme donna dans le battant un coup de poing dans lequel elle mit toutes ses forces. Sous le choc généré par la partie métallique de ses fins gantelets, le bois composant celui-ci s’enfonça, son poing traversa le panneau et les éclats organiques déchirèrent la peau nue de ses doigts. Le sang coula des profondes écorchures sans qu’elle y prenne garde.
Pourquoi ? Pourquoi tant de temps après ces souvenirs pénibles revenaient-ils la tourmenter ? Pourquoi… De nouveau, des larmes jaillirent de ses yeux malgré elle.
- Assez ! hurla-t-elle dans le silence de la pièce, avant d’attraper un vase placé sur une console et de l’envoyer se fracasser contre le mur.
Les morceaux retombèrent sur le sol pavé et la demi-Elfe essuya de nouveau rageusement ses pleurs de sa main blessée, maculant d’hémoglobine son beau visage pâle sans même s’en rendre compte. Pour tenter de se calmer, elle s’apprêtait à faire subir le même sort à la boule de cristal posée sur la petite table, lorsque celle-ci sonna. Son irritation n’ayant guère diminué, Mar’iposa décrocha d’un ton rogue :
- Quoi ?!
Un rire perlé distingué, qu’elle aurait reconnu entre mille, lui parvint de l’autre côté et la guerrière grimaça.
- Toujours aussi aimable à ce que je constate… remarqua perfidement son interlocutrice.
- Ayana… grinça Mar’iposa. Quel… déplaisir… Que me veux-tu ?
De nouveau, le rire résonna dans la salle.
- Allons, depuis quand une aînée ne peut-elle plus prendre de nouvelle de sa sœur cadette ? interrogea de nouveau la voix douce d’un ton mi navré, mi offensé.
- Ne me fais pas rire… Depuis quand me considères-tu comme ta sœur, même à moitié ? marmonna Yliana entre ses dents d’une voix pleine de ressentiment.
- Tu es dans un état lamentable… tu t’es encore battue ?
La jeune femme ne prit même pas la peine de répondre à la provocation.
- Qu’est ce que tu veux Ayana ? questionna-t-elle en insistant sur les mots, sans s’embarrasser de finasseries.
- Simplement t’avertir que j’arrive très bientôt. Tiens-toi prête à accueillir ta demi-sœur adorée.
Sur ces mots, la communication fut coupée et la jeune femme dut faire appel à toute sa volonté pour éviter d’en revenir à sa première idée, à savoir briser à terre cette messagère des mauvaises nouvelles. Ayana à Travia ! Quelle poisse ! Il ne manquait vraiment plus que ça ! Devoir supporter ici cette demi-sœur aînée qui, elle le savait, ne l’avait jamais aimée, sans parler de seulement l’accepter… Cette demi-sœur aînée qui la prenait de haut, qui la rejetait en raison de son absence de pouvoirs magiques, qui la méprisait parce qu’elle gagnait sa vie par l’art du combat et de la guerre, qui la désavouait à cause de son père humain… Qu’y pouvait-elle par les dieux ?! Etait-ce sa faute si elle en était dépourvue à la naissance ? Mais ce facteur ne semblait nullement rentrer en ligne de compte pour l’orgueilleuse sortcelière. Ce fut cette fois contre le mur qu’Yliana, plus en rage encore qu’en entrant, choisit de se défouler. Sans paraître ressentir la douleur ni s’apercevoir des blessures qui s’ouvraient sur ses mains au fur et à mesure des coups, la guerrière, les dents serrés, martela le mur de ses poings un long moment, avant de se laisser glisser à genoux, en proie à une soudaine lassitude. En un geste d’abandon qu’elle ne s’autorisait presque jamais, Mar’iposa s’adossa au mur, ramena ses genoux vers elle et, souillant ainsi son pantalon de cuir brun, posa ses bras dessus avant d’y enfouir la tête. Décidément, quand les choses décidaient d’aller mal… elles ne se gênaient pas… Que pouvait-il bien lui arriver de pire que ça ?
Soudain une alarme se fit entendre à travers le Château dans un vacarme assourdissant. Habituée à ne veiller que d’un œil, Yliana bondit immédiatement sur ses pieds, se reprenant instantanément et récupérant ses réflexes de guerrière entraînée, puis fonça dans les couloirs, tandis que retentissait une annonce sonore « Ouverture non programmée de la Porte de Transfert ! ». Que se passait-il encore ?
Au détour d’un couloir, la demi-Elfe manqua entrer en collision avec le Magicgang dans son intégralité, dont les membres couraient dans la même direction qu’elle-même, à savoir la salle de la Porte.
Lorsqu’ils arrivèrent dans la pièce spacieuse, ils n’étaient pas seuls, loin de là. L’endroit était plein de gardes, de Maîtres et de jeunes sortceliers accourus pour voir ce qui se passait. Tous se tenaient prêts à combattre ce qui s’apprêtait à apparaître au centre de la pièce. Quelques instants passèrent dans un silence absolu et tendu. Au bout de quelques secondes, une Elfe fit son apparition au point d’arrivée et tous l’observèrent, éberlués. Vêtue d’une robe immaculée d’une élégance toute elfique, elle était grande et très mince. Sa peau mate et ses yeux violets tranchaient de façon flagrante avec la blancheur de sa tenue. Elle possédait de très longs cheveux lâchés dans son dos, d’une couleur brune tout à fait exceptionnelle pour sa race et un diadème d’or ouvragé ceignait son front majestueux. En fait, sa personne toute entière s’avérait surprenante.
D’un geste empreint d’une grâce à la fois distinguée et féline, elle remit en place une mèche de cheveux tombée devant son visage, tout en tournant la tête dans leur direction, pour fixer son regard sur Yliana.
- Alors petite sœur, tu ne salue plus ton aînée ? dit-elle à celle-ci ironiquement d’une voix mélodieuse.
Une vingtaine de paires d’yeux pour le moins se fixèrent sur la guerrière, qui foudroya l’arrivante du regard, avant de tourner les talons sans mot dire et de quitter la salle.
A la surprise manifestée par Robin, il s’avéra évident que le jeune homme ignorait que son ancien maître d’armes eût une sœur… enfin une demi-sœur, car la voyageuse était une Elfe à part entière.
- Qui êtes-vous ma Dame ? interrogea alors Maître Chem arrivé dans l’intervalle.
- Mon nom est Ayana, répondit alors la jeune femme d’un air supérieur que le dragon n’apprécia pas du tout.
- Et ? fit alors Tara qui avait d’emblée détesté la congénère d’Yliana et Robin.
Un pli dédaigneux apparut sur l’admirable visage à la beauté sans pareil d’Ayana, lorsque son regard se posa sur la jeune fille… et cela ne fut guère du goût de l’héritière d’Omois.
Mais le nom sembla évoquer quelque chose à Chemnachaovirodaintrachivu qui tressaillit, ainsi qu’à Robin qui pâlit.
- Ay… Ayana comme… la princesse Ayana ? balbutia le dragon.
Cette fois, ce fut sur lui que les regards stupéfaits se posèrent. Il connaissait donc cette pimbêche ?
De nouveau, elle eût ce geste, ce mouvement de tête vaniteux, tout en passant une main fine et délicate dans sa chevelure.
- Moi-même, dit-elle simplement, très sûre d’elle et de son éclat.
Les adolescents se retinrent de lever les yeux au ciel devant tant d’orgueil et d’arrogance.
- Pardonnez cette question Altesse mais… qu’est ce qui vous amène à Travia ?
- La volonté de voir ma sœur tout simplement…
Une fois de plus, Robin sursauta et réalisa soudain : Ayana était princesse et Yliana était sa sœur. Cela signifiait donc que… L’évidence s’imposa à lui, lui coupant presque le souffle : son ancien mentor, sa préceptrice, son maitre d’armes… était de sang royal… Une princesse elle aussi… Ce titre semblait si incompatible avec sa personnalité, si peu en adéquation avec son comportement souvent rude, qu’associer les deux lui paraissait ridicule et presque risible. Et pourtant… il s’agissait de la réalité. En fixant l’arrogante princesse Elfe debout devant lui, il leur découvrit en effet des traits communs… mais leur ressemblance s’arrêtait là, car hormis même leur couleur de peau différente, leurs caractères s’avéraient radicalement distincts. En effet, malgré ses défauts, il en était un qu’on ne pouvait reprocher à Yliana. Chez la demi-Elfe, on ne trouvait nulle prétention, nulle suffisance et si elle était parfois dure, elle ne prenait pas les gens de haut.
- … Et de constater de mes yeux ce qu’elle… fait… de sa vie, ajouta Ayana.
Il y avait tant de mépris dans la voix de l’Elfe lorsqu’elle prononça ses mots, que malgré le ressentiment que Tara éprouvait envers la guerrière, elle crispa les poings de rage. Comment une sœur pouvait-elle parler ainsi ? Pauvre Yliana, elle ne méritait vraiment pas cela. Personne ne méritait d’être traité de cette façon par sa famille. Les Elfes étaient donc tous ainsi pour renier certains des leurs en raison de leur ascendance, de leur métier ou de leur choix de vie ? C’était ignoble et injuste.
Triste pour la jeune femme et en colère, l’adolescente s’apprêtait à emboîter le pas à son petit-ami elfique, lorsque la princesse lâcha perfidement en désignant Robin du menton :
- J’avais vaguement espéré que ce que j’avais ouï dire était faux… mais ma sœur est visiblement tombée encore bien plus bas que je ne le pensais si elle se complait en compagnie d’êtres de cette sorte.
Cette fois s’en fut trop pour l’héritière d’Omois. Mais sa mèhe blanche ne crépita pas d'énergie comme d'habitude, ce à quoi elle ne prit même pas garde.
- Tara ! Non ! s’exclama le jeune homme en se plaçant entre l’humaine et sa cible sans comprendre qu'il ne se passait rien. Ce qu’elle peut dire n’a aucune importance.
- Ca en a pour moi ! fit cette dernière en fixant la noble d’un air peu amène.

(fin du chapitre 9)

- Cela ne m’atteint pas, je t’assure. Garde ton calme, je t’en prie.
La réaction impulsive de Tara, au lieu d’inquiéter l’Elfe, la fit rire doucement.
- Voilà bien les jeunes… Ecoute ton ami petite, il est bien plus avisé que toi malgré son… (elle grimaça d’un air méprisant) métissage, dit-elle avant de passer à côté d’elle en lui tapotant la tête comme on fait à un brave chien, puis de quitter la pièce sous le regard ahuri de l’assistance.
Si Tara détestait une chose, c’était bien qu’on l’appelle « petite » et si elle avait vu rouge lorsque cette prétentieuse avait ouvertement méprisé Robin, le dernier geste la mit dans une telle colère, que, craignant le pire, Maître Chem fit évacuer la salle.
- Ma douce, elle ne vaut pas la peine que tu utilise tes pouvoirs contre elle, essaya encore le demi-Elfe. Viens plutôt. Il faut trouver Yliana. Elle doit avoir besoin de réconfort.


Mais la guerrière n’était ni triste ni abattue. Au contraire, elle qui se targuait d’un sang-froid à toute épreuve, se trouvait dans une rage incommensurable. Elle fulminait littéralement et ce fut le mobilier de la salle d’arme qui en paya le prix. Au bout de quelques minutes, le rire cristallin si détestable se fit entendre.
- Qu’est ce que tu fiche ici Ayana ? interrogea brutalement la jeune femme.
- Je suis venue constater à quoi tu t’occupais, voilà tout, répondit l’Elfe en haussant les épaules.
- Fiche le camp, ce ne sont pas tes affaires ! rétorqua la jeune femme, les dents serrées.
- Quel langage… ce sont tes mauvaises fréquentations qui t’ont enseigné à parler comme ça ?
La demi-Elfe retint à grand peine le très inélégant « la ferme ! » qui lui brûlait les lèvres et estima préférable de ne pas répondre. Les poings fermés, les yeux étrécis de rage contenue, elle continua à cogner contre un sac empli de sable pour tenter de se calmer, tandis que sa charmante sœur continuait :
- Les vêtements ensanglantés sont-ils une mode, ou bien es-tu si occupée à te battre contre le vide que tu ne songe même à te changer ?
Comme la remarque ne déclenchait aucune réaction visible, Ayana poursuivit encore :
- Tu sais que tu es ridicule à frapper dans cette chose ?
A cet instant, malgré toute la retenue qu’elle s’imposait très difficilement, Yliana explosa. Arrêtant soudainement le geste entamé, elle se jeta sur sa sœur avec une vitesse surhumaine et, d’une main, empoigna celle-ci par le col sans ménagement, avant de la plaquer violemment contre le mur. Le choc coupa le souffle de la princesse, qui secoua la tête, un peu sonnée. Son autre main serrée en poing, la guerrière s’apprêtait à envoyer celui-ci sur le parfait visage de son ainée, avec une joie visible.
- La violence est la réponse à tous les problèmes n’est ce pas petite sœur ? (et dans sa bouche, ces mots sonnaient comme une insulte). Mais si tu veux t’amuser à cela, il n’y a pas de problème, ajouta-t-elle en activant sa magie.
Ou du moins essaya-t-elle de l’activer. Mais rien ne se produisit.
Que se passe-t-il ? se demanda l’Elfe, un manifeste air d’incompréhension sur le visage.
Malgré le ressentiment d’Yliana pour cette dernière, elle ne put faire autrement que remarquer que quelque chose n’allait pas.
- Quoi ? interrogea-t-elle brusquement.
- Je… Je ne sais pas… fit Ayana, déstabilisée pour la première fois. Ma… magie ne fonctionne pas.
La déclaration fit froncer les sourcils d’Yliana, qui ne put s’empêcher d’établir un lien avec la rupture de pouvoir manifestée par Robin quelques temps auparavant, mais afin de ne pas inquiéter son aînée, elle prit le parti de tourner le problème en dérision et de le noyer sous autre chose.
Croisant les bras sur sa poitrine menue, Mar’iposa ricana et dévisagea la très distinguée Altesse Royale :
- Tu pouvais critiquer le fait que je me serve de mes poings, mais malgré tes grands airs, tu n’es pas mieux.
L’Elfe prit l’air choqué.
- Comment cela ? fit-elle, piquée.
- Tu n’as pas saisi ? Tes deux neurones ne sont donc pas connectés ? A moins que tu n’en possède même pas un seul… Ce qui ne m’étonnerait pas étant donné tes capacités de réflexion très… limitées.
- Insinuerais-tu que je suis stupide ?
La demi-Elfe battit brièvement des mains d’un air railleur :
- Oh tu as trouvé ça toute seule, sans aucune aide… Bravo ! Tu as donc plus de deux neurones… C’est impressionnant…
- Silence ! ordonna alors la princesse d’un air impérieux.
La mine hautaine arborée par cette dernière fit rire sa cadette.
- Tu n’as aucun ordre à donner ici, Ayana, dit-elle d’un ton dur qui démentait son hilarité, tout en la fixant froidement. Et certainement pas à moi. Tu n’es pas ici à la cours et aucun de nous ne fait partie de tes sujets. Alors je te conseille de ranger tes grands airs… car je connais quelqu’un qui ne les tolèrera pas longtemps et pas aussi « bien » que ta « petite sœur », ajouta-t-elle en ponctuant ses paroles de guillemets virtuels.
Un silence significatif suivit ces menaces voilées.
- Si tu en as terminé avec les amabilités, peut-être pourrais-tu me conduire à mes appartements, fit Ayana, offusqué d’être traitée avec si peu d’égards.
Yliana ricana de nouveau.
- N’y compte pas. Tu es une grande fille, alors tu utilise tes pieds et tu y va toi-même. Je ne suis pas l’une de tes servantes malgré ce que tu semble penser. Si tu arrive à te mettre ça dans la tête, on aura déjà bien avancé.
- Alors je ne peux réellement rien solliciter de toi sans que tu te braque…
- Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, répartit brusquement la jeune femme.
- Que veux-tu dire ?
- Si tu es incapable de le comprendre seule, ne compte pas sur moi pour te l’expliquer, dit encore Mar’iposa, avant de tourner les talons sans un mot supplémentaire.
Elle avait presque atteint la porte, lorsque la voix d’Ayana se fit de nouveau entendre.
- Attend !
- Quoi encore ? lâcha la guerrière d’un ton mal aimable sans prendre la peine de se retourner.
- Je… Si tu ne veux pas me venir en aide, à qui suis-je sensée m’adresser afin de me voir attribuer des appartements ? interrogea la princesse, un peu moins assurée au vu de la réaction de sa sœur.
- Essaye de trouver Dame Kalibris. Elle acceptera peut-être d’emmener Ton Altesse Royale à sa chambre.
Ce furent ses dernières paroles. Yliana s’éloigna définitivement en réfléchissant à ce dont elle ne venait justement pas d’être témoin et, se promettant d’aller parler à Robin, laissa son aînée seule dans la salle d’armes.
Livrée à elle-même, Ayana, habituée à être sans cesse assistée et à ce qu’on devance ses moindres souhaits, resta interdite un moment, observant le carnage opéré par sa demi-sœur. En effet, plus un meuble ne se trouvait en un seul morceau. On aurait pu en faire du petit bois pour allumer le feu dans les cheminées.
Quelle violence et quel manque de retenue indigne d’une princesse de Selenda… songea-t-elle. Il n’est pas surprenant qu’elle ait choisi d’exercer une semblable profession. Brutale, barbare… tout à fait à son image… Quand je pense que le même sang coule dans nos veines, je ne peux m’empêcher d’avoir honte. Une telle brebis galeuse est une tache dans notre illustre lignée.
La jeune femme repensa alors qu’elle avait manqué recevoir un coup de poing et elle frissonna.
Elle m’aurait défigurée sans aucun remord cette… gaïni (nda : « folle » en vardien, un pseudo langage elfique de mon invention).
- Bon, tâchons de trouver cette Dame Kalibris, marmonna-t-elle en sortant à son tour.
Mais trouver quelqu’un qu’on n’a jamais vu, dans un lieu qu’on ne connaît pas, n’est pas une chose aisée et la jeune femme erra un long moment dans les couloirs, que le Château prenait plaisir à rallonger juste pour l’ennuyer, car il ne l’aimait pas. Au bout d’un moment, exaspérée, elle se dirigea vers la première porte qui se présenta à elle et, habituée à faire ce qu’elle désirait quand elle le voulait, pénétra dans la pièce sans même frapper.
Le hasard voulut qu’il s’agisse précisément de la chambre de la gouvernante. Celle-ci se retourna et ses deux têtes arborèrent un air contrarié.
- Qui vous a permis d’entrer ici ? Où vous croyez-vous ? interrogea Clara.
- Et qui êtes-vous surtout ? ajouta Dana. Vous avez une accréditation au moins ?
Stupéfaite par cette apparition, la princesse ne put que la fixer, bouche bée.
Qu’est ce que c’était que ce palais plein de… d’hybrides et de ce genre de créatures grotesques ?
- Et vous ? renvoya-t-elle, reprenant son air méprisant.
Sa mine ne plut pas du tout à la Tatris, qui s’approcha d’elle, poings sur les hanches :
- Dites donc jeune fille, lorsqu’on est polie, on commence par se présenter avant de poser des questions, fit encore Clara.
- Absolument, approuva ta tête jumelle.
- Je me nomme Ayana, répondit alors cette dernière, s’attendant à voir la même réaction que celle de Maître Chem à la mention de son nom.
Ce en quoi elle fut déçue, car la gouvernante n’avait manifestement jamais entendu parler d’elle.
- Nous sommes supposées…
- … vous connaître je présume ?
- Tout le monde me connaît, dit encore l’Elfe en passant la main dans ses cheveux, l’air aussi arrogant qu’à son arrivée dans la salle de la Porte.
Air qui ne plut pas à la Tatris.
- Avez-vous un laissez-passer, oui ou non ? demanda Dana pour la seconde fois (et on sentait qu’elle commençait à en avoir assez de se répéter).
Ayana ouvrit de grands yeux effarés, arborant ainsi une mine qui ne possédait plus rien d’aristocratique.
- Quel laissez-passer ? Personne… ne m’a dit qu’il en fallait un.
- Ah bien voilà, fit alors Dana, extrêmement sérieuse. Pourtant il en faut un pour se promener dans le Château. Qui vous a laissée vous promener sans ?
- Que cherchiez-vous ?
Reprenant contenance, l’Elfe rétorqua, hautaine :
- Une certaine Dame Kalibris.
- Vous l’avez devant vous, répondit alors Clara, le regard fixé sur elle. Nous sommes…
- … Dame Kalibris.
Oh par les Dieux… songea alors la princesse, me voilà obligée d’en passer par les volontés d’une… d’une…
- Très bien. Puisque vous êtes… celle… que je cherchais, veuillez m’indiquer mes appartements je vous prie.
L’ordre voilé fit rire la gouvernante.
- Des appartements, rien que cela ? Et en quel honneur je vous prie ?
- Et bien… je suis une princesse, fit-elle sur un ton d’évidence.
- Et en quoi cela vous donne-t-il plus de droit qu’un autre ? interrogea encore la Tatris en croisant les bras.
La question coupa la parole de la sœur d’Yliana avant même qu’elle ne prononce un mot, ce qui permit à la gouvernante d’enchaîner :
- Pas d’accréditation, pas de chambre, c’est comme ça.
- Mais… à qui dois-je m’adresser pour…
- Voyez avec Maître Chemnachaovirodaintrachivu, fit la Tatris en poussant l’intruse à l’extérieur de la pièce, avant de refermer la porte.